jeudi 1 octobre 2009

Que faisiez-vous le 16 janvier 1991?

En ce qui me concerne, je me souviens très bien. Bien avant le lever du jour, je m'étais installé devant la télé. Il n'y avait pas longtemps que CNN était diffusé par le câble à Bruxelles, et ce n'était pas sans rapport avec l'actualité de ce matin-là: l'ultimatum posé à l'Irak par le Conseil de sécurité de l'ONU, fortement inspiré par les États-Unis, avait expiré dans la nuit. Pour vivre la guerre en direct, il faudrait encore attendre quelques heures. Pour vivre la guerre en images, les limites de la médiatisation allaient très vite se faire sentir.
J'allais écrire, le 17, cet article paru le lendemain:
On avait annoncé une médiatisation maximale de la crise du Golfe et une intensification de la couverture des télévisions dès le déclenchement des hostilités. Elle s'est produite en effet, et personne ne peut donc se montrer surpris du nombre de journaux spéciaux qui ont éclos hier matin sur toutes les chaînes. Mais, au moins dans les premières heures du conflit, pas d'images! Les informations généreusement données par les forces alliées qui avaient attaqué l'Irak ne pouvaient donc être vérifiées que par les journalistes encore présents à Bagdad - ils devaient cependant se fier davantage au bruit des tirs et des bombes qu'à des observations directes.
La chaîne américaine CNN, visiblement la mieux équipée parmi toutes celles que reçoit notre pays parcouru par les câbles, avait quand même filmé les avions au décollage. (Ouverte à l'actualité vingt-quatre heures sur vingt-quatre, elle avait été la première, dans la nuit de mercredi à jeudi, à annoncer l'attaque sur Bagdad.) Quant à savoir de manière précise ce qui s'était passé sur le territoire irakien, c'était une autre histoire...
Si on pouvait avoir l'impression d'une surinformation en passant d'une chaîne à l'autre, hier matin, il fallait en réalité se contenter généralement de commentaires, de pronostics, de déclarations officielles et... d'images d'archives montrant, par exemple, les chars dans le désert. Il est permis de penser que l'évolution des combats sur le terrain aura, depuis, provoqué une modification des sources d'information, mais telle était cependant la situation jeudi matin.
De près, de loin, c'est ainsi que Jérôme Tonnerre ressent les événements dans L'Atlantique Sud. Un roman autobiographique où la guerre du Golfe n'est pas au premier plan. Mais c'est un décor, quelque chose qui se trouve là sans qu'on ait demandé à le voir, et qu'on ne peut s'empêcher de trouver envahissant.
En réalité, il est question de la mort de sa mère et de ses dernières volontés: que ses cendres soient dispersées dans l'Atlantique Sud. C'est où, ça? L'indication est vague et Jérôme est scrupuleux. D'autant que, sans avoir jamais osé voyager, il connaît tout sur le monde. Il a longtemps rêvé de partir, il est resté scotché dans son appartement. Irréductible sédentaire, le voici aux prises avec une mission impossible.
Et avec une guerre qui ne fait rien pour arranger son angoisse du départ.

La situation est très différente pour Constance, dans En retard pour la guerre, de Valérie Zenatti - devenu Ultimatum au cinéma. Bien que française, elle est à Jérusalem, où elle travaille sur des textes de Flavius Josèphe. La fin de l'année 1990 et les premiers jours de 1991 sont pour elle, comme pour tous les habitants d'Israël, un temps de préparation aux attaques chimiques que l'on craint de la part de l'Irak. Les consignes sont précises. Les alertes, le jour venu, se multiplieront. Mais, comme le monde de l'information est paradoxal, ce sont souvent ses parents, qui de France s'inquiètent pour elle, qui lui diront ce qui se passe exactement.
D'avoir le nez sur les événements ne permet pas toujours de les comprendre mieux. tandis que, de loin, on croit les comprendre et souvent on se trompe, parce qu'on est trompé par la présentation des faits...

Une chose est sûre: quelques semaines plus tard, le 2 mars, Serge Gainsbourg mourait. Et les deux romans, parfaitement synchrones, y font aussi allusion... Sensuelle et sans suite, comme il disait dans la chanson que j'écoute.

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