samedi 28 novembre 2009

Du noir et du show-biz


Bernard Mathieu a passé du temps au Brésil, où il a situé sa trilogie Le sang du Capricorne. Le revoici, avec Du fond des temps, sur un continent africain qu'il connaissait au moins depuis sa traversée du Sahara en 1977, et son Sahara été hiver publié un peu après cette expérience. Il envoie un couple dans le sud-ouest de l'Ethiopie, près des frontières soudanaise et kenyane. Une région troublée sur laquelle lorgnent les Américains en raison des ressources potentielles de son sous-sol. L'administration est quasi absente. La loi est celle de tribus qui se font la guerre depuis des temps immémoriaux et se volent le bétail les unes aux autres pour régénérer le cheptel. Une sorte de sport, parfois mortel.


Après Dans la tête le venin et avant La mort, simplement, Diane Silver, profileuse au FBI, prénom de chasseresse et vie déglinguée, bascule dans le règlement de comptes personnel. La guerre est déclarée. Avide de venger sa fille victime d'un serial killer, associée avec Rupert Teelaney qui est riche mais s'est placé du mauvais côté de la barrière morale, Diane a renoncé à la légalité.


Le rythme est ternaire. Trois mouvements pour une plongée chaloupée dans le monde du show-biz. «Le show-biz est une valse à trois temps. On lèche, on lâche, on lynche.» Trois personnages principaux dans chaque partie, dont K, producteur indépendant, qui fournit la définition. Les autres protagonistes changent. L'un représente la musique, l'autre ne connaît rien à rien et arrive là par hasard. Le hasard, appelé miracle quand il débouche sur un succès, joue un rôle majeur dans les histoires de José-Louis Bocquet, qui avait déjà publié les deux premières sous d'autres versions. Trois hasards, donc, trois coups de chance. Trois miracles.

lundi 23 novembre 2009

Percival Everett et Forrest Gander, deux Américains des "Belles Étrangères"

Je crois que je vais, aussi régulièrement que possible, vous donner des liens vers des articles que j'écris pour Le Soir. C'est là, après tout, que je publie l'essentiel de la production (depuis 1983, ce qui ne me rajeunit pas). Et, si tout n'est pas diffusé sur le site du quotidien, une partie y est quand même disponible. Aujourd'hui (mais, en fait, depuis vendredi), deux romanciers américains venus en Europe pour Les Belles Étrangères.


Depuis cinq ans, les romans de Percival Everett sont traduits avec régularité. Le supplice de l'eau est le cinquième. Il est empli d'une violence dont plusieurs aspects renvoient explicitement à la politique américaine qui a engendré Guantánamo et Abu Ghraib pendant les récentes années Bush, président traité de loin en loin sans ménagement...


Forrest Gander est surtout connu pour sa poésie, non disponible en français, et ses traductions de l'espagnol. Il a notamment fait découvrir aux États-Unis une nouvelle génération de poètes mexicains. En abordant le roman l'an dernier, il montre combien il est aussi chez lui sur un terrain qu'il n'a probablement pas fini d'explorer.

jeudi 19 novembre 2009

Chez le dentiste, vous trouvez ça drôle?

Y a-t-il pire torture que celle de la fraise du dentiste? La scène la plus éprouvante de toute l'histoire du cinéma reste pour moi - et à jamais - non un plan de véritable film d'horreur mais le moment où Dustin Hoffman se fait creuser une dent, sans anesthésie. C'est dans Marathon Man et je ne suis pas certain que je reverrais ce film si j'en avais l'occasion.
Un roman que j'ai lu récemment - mais je ne sais plus lequel, vous échapperez à cette référence - raconte l'histoire d'une femme (femme de ménage, si je me souviens bien) qui ne supporte pas d'être endormie. Et qui subit le supplice d'une dévitalisation avec l'impression qu'elle va mourir. Je l'ai vécu avec elle...


En revanche, je n'ai pas vécu ce que Maya Angelou, alors enfant, relate dans Je sais pourquoi chante l'oiseau en cage, une magnifique tranche d'autobiographie. Crevant de mal aux dents, deux d'entre elles cariées à tel point que l'émail avait disparu et qu'il n'y avait plus de prise pour le fil sur lequel Momma avait tiré pour en extraire d'autres, la petite fille part chez le dentiste avec sa grand-mère.
Seul problème, mais de taille: elles sont noires et le dentiste est blanc. Sa politique est de ne pas soigner les gens de couleur. Il le dira même de manière beaucoup plus crue:
- [...] Annie, ma politique c'est que je préférerais fourrer la main dans la gueule d'un chien que dans celle d'un nègre.
Sa position est définitive. Mais, rassurez-vous, Momma trouvera une autre solution.


Par ailleurs, il peut arriver que la visite chez le dentiste soit l'occasion de faire une rencontre. Dans L'or de la terre promise, Henry Roth envoie tante Bertha, un important personnage secondaire, arracher quelques dents. (Les caries ont la même cause que pour Maya Angelou: un abus de sucreries. Merci à la littérature de nous prodiguer des conseils d'hygiène dentaire.) Tante Bertha étant, comme plusieurs autres personnages de ce roman qu'il faut absolument découvrir, un personnage haut en couleurs, son récit ne manque pas de piquant. On est donc surpris qu'elle continue à aller chez le dentiste, non plus chaque semaine, mais deux fois par semaine. Puis trois. Puis quatre. Cela cache quelque chose, on s'en doute. je vous laisse l'accompagner, vous ne regretterez pas, cette fois, le détour.

En écoutant...


Je ne suis pas toujours d'humeur à écouter de la musique en lisant mais, ces jours-ci (pour réduire le bruit de la fraise?), oui. Je me suis mis en boucle le nouvel album des Weezer, Raditude, et c'était un régal. Difficile de vous expliquer pourquoi - je suis nul pour commenter mes goûts musicaux. Et, de toute manière, si vous n'aimez pas, vous pouvez toujours en infliger l'écoute à votre dentiste en espérant qu'il n'aimera pas non plus.

mercredi 18 novembre 2009

Voilà pourquoi votre fille est muette

Il n'y en a, ces jours-ci, en matière de nouvelles technologies à Madagascar, que pour le progrès. Orange rugit comme un Lion (du nom donné au nouveau câble qui va, on vous le dit, révolutionner l'interconnexion de la Grande Ile au Moooonde!) Telma, l'opérateur unique du pays en téléphonie fixe, passe au 3G+, et même 3G++ (si cela existe - ah! non?), à en croire les performances annoncées.
Pendant ce temps, mon ADSL rikiki a toujours besoin d'une ligne fixe qui fonctionne pour que le monde vienne à moi - ou que j'aille vers le monde, c'est selon. Or, depuis quelques jours, ma ligne est morte...
Je téléphone (d'un autre réseau, portable), au numéro d'assistance client. On m'injecte dans l'oreille une musique en boucle sans aucune information. Combien de temps dure la boucle? Je n'en sais rien, cela pourrait se poursuivre à l'infini, et j'y laisserais tout mon crédit.
J'envoie un message via un formulaire, un autre par mail (j'ai une connexion de secours, une 3G+, précisément, mais pas celle de Telma).
Rien.
Et toujours pas de tonalité. Donc, toujours pas d'ADSL.
Aujourd'hui, je vais aller taper du poing sur un bureau (c'est une image, car en fait ce n'est pas trop mon genre) dans un bureau de Telma.
On verra.
En attendant, je ne peux pas vraiment travailler normalement...

lundi 9 novembre 2009

... et les prix Femina

Le prix Femina du roman français, le plus populaire des trois récompenses attribuées par le jury, récompense cette année Personne, de Gwenaëlle Aubry.

Le prix Femina du roman étranger va à Mathias Zschokke pour Maurice à la poule (ouvrage publié chez un éditeur suisse, ce qui est exceptionnel).
Celui de l'essai, à Michèle Perrot pour Histoire de chambres (celui-là, je le savais depuis un bon moment, mais vous comprendrez que je ne pouvais pas vous le dire).
Pour être complet, j'ajoute que le prix Virilo (une sorte d'anti-Femina) va à Laurent Mauvignier, pour Des hommes. Le prix "Trop Virilo", beaucoup moins sérieux, est attribué à Valéry Giscard d'Estaing, inoubliable auteur de La princesse et le président.

Prix littéraires, suite : le Goncourt des Lycéens...

Le prix Goncourt des Lycéens va à un premier roman, Le club des incorrigibles optimistes, de Jean-Michel Guenassia.


samedi 7 novembre 2009

Goncourt des Lycéens : un premier tri

Saut inattention de ma part lors des précédentes éditions du prix Goncourt des Lycéens, c'est la première fois qu'une sélection est rendue officielle après la liste publiée début septembre - celle-ci correspondant, je le rappelle, au choix initial de l'académie Goncourt.
Edem Awumey, Sorj Chalandon, Daniel Cordier, Eric Fottorino, Justine Lévy, Laurent Mauvignier, Serge Mestre, Marie Ndiaye et Jean-Philippe Toussaint n'auront donc pas le Goncourt des Lycéens cette année.
Ils ne sont donc plus que cinq pour la délibération finale qui aura lieu lundi:
A lire les articles et les notes de blogs en rapport avec ce prix, il me semble que David Foenkinos et Delphine de Vigan tiennent la corde. Mais faites comme si je ne vous avais rien dit.

vendredi 6 novembre 2009

Le premier roman de Jocelyn Bonnerave

Je vous le confiais il y a quelques heures, j'aurais aimé voir le prix du Premier roman français aller à On ne boit pas les rats-kangourous, d'Estelle Nollet. J'ai l'impression que cette jeune personne (je dis jeune, en réalité je n'ai pas cherché à savoir grand-chose d'elle mais je l'ai aperçue dans une vidéo) nous réserve quelques (bonnes) surprises dans l'avenir.
J'étais donc un peu dépité d'apprendre que Jocelyn Bonnerave était le lauréat avec Nouveaux Indiens.
Dépité, mais curieux. Je l'ai donc lu. Le jury n'a pas fait d'erreur grossière en le couronnant.


Le peu que nous dit de lui l'éditeur fournit quelques éléments de compréhension à son livre.
Jocelyn Bonnerave est né en 1977. Il a étudié la littérature et les sciences humaines, particulièrement l'anthropologie. Ses activités musicales et littéraires s'associent souvent dans la pratique de la performance.
Il est question d'un anthropologue qui s'intéresse à des musiciens. Ceux-ci sont ses Derniers Indiens, puisqu'il n'imagine plus, au 21e siècle, pouvoir côtoyer encore des tribus inconnues.
L'anthropologue est français. Il observe, aux Etats-Unis, les élèves de Frank Firth, qui enseigne à Oakland, près de Berkeley. Le fonctionnement du groupe est, en effet, aussi intéressant que celui d'une tribu de la forêt amazonienne. Bien que différent. Encore que...
Affligé de migraines persistantes, le Français s'intègre plus ou moins, prend des notes, passe des heures en bibliothèque. Son travail reste flou mais il accumule du matériel. Il est cependant intrigué par l'histoire de Mary, dont le visage se trouve partout sur des affiches. Elle était surtout danseuse mais tâtait aussi de l'anthropologie. Et elle est morte peu de temps avant, suite à une anorexie à l'évolution inhabituelle. Le cas est assez étrange pour piquer sa curiosité. Le voici lancé sur une tout autre piste...
Jocelyn Bonnerave ne propose que le point de vue de son anthropologue français, unique narrateur qui se débat dans un monde qu'il ne comprend pas bien. Il ne comprend pas, en particulier, le faible intérêt manifesté pour l'élection présidentielle qui se déroule pendant son séjour. Il comprend encore moins l'histoire qu'il a devant les yeux, ou qu'il croit apercevoir à travers quelques indices.
Le récit est passionnant. Il est porté par une écriture changeante, calme ou impétueuse selon l'humeur du narrateur. Et il comporte quelques scènes musicales exceptionnelles. Restituer les sons avec les mots est un pari difficile. Il est tenu.

jeudi 5 novembre 2009

Prix Interallié : encore quatre titres

On se demandait si le prix Interallié serait remis le 10 ou le 17 novembre. Selon les sources, la date variait.
On sait maintenant que tout le monde avait tort. Ce sera le mercredi 18. Et il se jouera entre les quatre derniers titres sélectionnés:
Elisabeth Barillé, David Foenkinos, Simon Liberati et Etienne de Montety ont quitté les rangs. Et je n'ai pas lu grand-chose (rien, pour être honnête).

Les prix du jour : les premiers romans et le Flore

Journée riche en prix moins réputés, ce jeudi, avec notamment les prix, français et étranger, du premier roman où j'espérais voir émerger Estelle Nollet, dont je vous ai dit le plus grand bien dès le mois d'août. Il s'en est fallu d'une voix au quatrième tour, et c'est Jocelyn Bonnerave qui l'a emporté, pour Nouveaux Indiens. Comme je ne l'ai pas lu, bien qu'il soit là, à côté de moi, je ne peux rien vous en dire. Sinon corriger l'information de Livres Hebdo où l'on semble penser que Jocelyn Bonnerave est une femme. Ben non. "Il" est né en 1977 et a notamment étudié l'anthropologie, ce qui n'est pas sans rapport avec son livre.


Le prix du premier roman étranger va bien, en revanche, à une femme, Chloe Aridjis. De père mexicain et de mère américaine, elle a longtemps vécu à Berlin où se passe Le livre des nuages. Que je n'ai pas lu non plus.


J'ai lu, en revanche, L'hyper Justine, de Simon Liberati, prix de Flore. Et ce n'est pas, franchement, ce que j'ai fait de mieux cette semaine.

On ne peut pas être du même avis que tous les jurys - et il en faut pour tout le monde.
Bien. Il reste encore quelques lauriers à distribuer, les sélections sont, comme d'habitude, sur cette page.

mercredi 4 novembre 2009

Dany Laferrière, prix Médicis


A toute allure, et sans autre commentaire, parce que j'ai maintenant des articles à écrire, le palmarès tout frais du prix Médicis où, pour le roman français, Dany Laferrière, le favori de la rumeur, l'a emporté avec L'énigme du retour.
Le prix du roman étranger a été attribué à Dave Eggers pour Le grand quoi (Gallimard) au 1er tour à l’unanimité. Le Médicis Essais est venu récompenser Alain Ferry pour Mémoire d’un fou d’Emma (Seuil).

mardi 3 novembre 2009

Toussaint, prix Décembre en novembre

Jean-Philippe Toussaint regrettera un peu moins le prix Goncourt manqué hier. Aujourd'hui, il reçoit le prix Décembre (30.000 euros) pour La vérité sur Marie, au premier tour: sept voix pour son roman contre trois à celui de Patrick Besson et deux à celui de Simon Liberati.
J'ai lu les trois livres qui restaient en compétition. Celui de Jean-Philippe Toussaint était très supérieur aux deux autres. Je n'ai pas le temps d'en dire davantage aujourd'hui, mais j'y reviendrai, comme sur les deux romans qui viennent de reparaître au format de poche, Faire l'amour et Fuir, où l'on avait déjà rencontré Marie...

lundi 2 novembre 2009

Le prix Goncourt à Marie Ndiaye


Elle l'a obtenu dès le premier tour de scrutin, par cinq voix contre deux à Jean-Philippe Toussaint (La vérité sur Marie, Minuit) et une à Delphine de Vigan (Les heures souterraines, JC Lattès) .
Je vous avais parlé de son roman.

Quant aux prix Renaudot , qui sont trois cette année, les voici:
Un mot du roman de Hubert Haddad, que j'ai lu à sa parution en poche - ce qui justifie l'existence de ce nouveaux prix.
Hubert Haddad évite toute théorie. Mais place un homme entre deux feux. Soldat israélien, Cham devient Nessim, terroriste palestinien. Les circonstances ont décidé pour lui. Le romancier donne à voir la violence au quotidien. Fait entendre les explosions, les cris, les pleurs. Tout un pan de l’humanité semble avoir perdu la raison dans une implacable logique d’affrontement. Suffira-t-il de quelques justes pour rétablir un semblant de paix? Cette histoire ne le dit pas encore.