jeudi 10 novembre 2011

A la recherche du prochain best-seller

Vous n'en avez pas marre, vous, de vous jeter sur les mêmes livres que tout le monde? De constater, en regardant le classement Datalib dans Libé de ce matin, que vous avez déjà lu le n° 1 (Alexis Jenni, Goncourt oblige), le 2 (Emmanuel Carrère), le 3 (Delphine de Vigan), le 4 (Sylvain Tesson), et que vous avez même failli vous attaquer au 5 (Douglas Kennedy)? Ce que, d'ailleurs, vous ferez peut-être, puisque vous avez aimé les quatre premiers de la liste. (Enfin, je dis "vous" comme ça, hein!, en guise de figure rhétorique bas de gamme, ce n'est pas que je veuille à tout prix vous assimiler à moi, qui les ai vraiment appréciés.)
Bon, me dis-je ce matin, rassemblant à grand peine les idées éparpillées dans quelques rêves nocturnes avec lesquels je renonce d'autant plus aisément à vous assommer que j'en ai tout oublié.
Bon, donc, dis-je, et si je me mettais en quête du prochain best-seller, plutôt que de suivre le courant?
Il est bien joli, ce projet. Mais il faut quand même trouver des pistes. Où ça? Dans une revue branchée? J'essaie Les Inrocks? Cette semaine, Nelly Kaprièlan, grande prêtresse du bon goût (chez Bongou, à Madagascar, ils fabriquent de la charcuterie, je dis ça, je ne dis rien...), au point d'avoir, en 2009 et 2010, sacré le Goncourt avant même l'académie du même nom (mais pas cette année, et elle en semble presque soulagée, puisqu'on aurait pu lui reprocher un nouveau conformisme), cette semaine, écrivais-je avant de me lancer dans une phrase à tiroirs (fermons ces tiroirs, revenons au fait), Nelly Kaprièlan a sauté sur des chroniques cultes. Ah! culte et best-seller, voilà qui me convient. L'auteur, il est vrai, n'est pas un parfait inconnu. Nicolas Bedos s'est fait un prénom sur le dos de Giesbert (il l'avait bien mérité) et sur celui de ses invités (beaucoup d'entre eux l'avaient bien mérité aussi, pas tous) de La semaine critique (ne cherchez pas, c'était sur France 2, et ça n'existe plus).

Le volume 1 du Journal d'un mythomane (il se poursuit dans l'hebdomadaire Marianne, sans le son et l'image) ne sera peut-être pas un best-seller. Mais Nicolas Bedos n'a pas qu'un prénom, il a aussi une sacrée plume, insolente, inventive, réjouissante jusque dans ses excès, et notamment à cause de ses excès eux-mêmes. J'apprends, grâce à Nelly Kaprièlan, qu'il publie aussi des nouvelles. Bien, très bien. Dans L'Officiel. Ah! Faudra-t-il que je lise un mensuel dont semble s'être inspirée la nouvelle formule du Monde Magazine? (Depuis, je ne lis plus rien dans Le Monde Magazine.) Un effort, quand même. Je tombe, presque par hasard, sur le numéro de février. C'est bien ce que je pensais. Je ne suis pas intéressé, passez votre chemin, non, je ne m'y abonnerai pas. Malgré deux pages signées Nicolas Bedos. Comment j'ai tué Michel Houellebecq raconte la soirée post-Goncourt d'une certaine Paule (rafraîchissons les souvenirs: en 1998, Paule Constant a reçu le Goncourt avec Confidence pour confidence, alors que le favori était Les particules élémentaires, de... Michel Houellebecq, et Paule Constant en a beaucoup, et très injustement, souffert). Voici donc Paule maquillée comme un camion et décidée à se venger de son tourmenteur involontaire (ou presque: Michel Houellebecq, pareil à lui-même, convaincu de sa supériorité, avait quand même dit que le roman de Paule Constant était nul, et tout le milieu littéraire d'acquiescer comme un seul homme).
C'est très plaisant, Comment j'ai tué Michel Houellebecq. Comme risque d'être très plaisant le roman auquel, selon une rumeur qu'il entretient lui-même, Nicolas Bedos travaille. La plume aussi acérée que dans ses chroniques et ses nouvelles, j'espère. Mais je le soupçonne d'être un peu trop germanopratin (comme ils disent) pour franchir, avec ses livres, les frontières de l'Hexagone.
Le roman à venir sera donc peut-être un best-seller, oui.
Mais un best-seller mondial? Non.
Or, voyez-vous, aujourd'hui, il n'y a que cela qui m'intéresse. Débusquer le prochain best-seller mondial, le roman qui va faire exploser les ventes - roman, oui, quand même, car une biographie de Steve Jobs n'appartient pas à la littérature et, donc, m'excite beaucoup moins.

A qui le tour? Stephen King? Pourquoi pas? C'est un habitué. Combien de livres a-t-il publié, déjà? En tient-il lui-même le compte? Personnellement, j'ai un peu de mal à suivre. Mais je m'arrête sur celui-ci. Paru avant-hier, il est déjà classé au cinquième rang des meilleures ventes chez Amazon. Et quelque chose me dit qu'il devrait avoir une belle carrière. Voyez la couverture, remettez le titre à l'endroit (je veux dire: comme on écrit les dates en français), et 11/22/63 vous renvoie à Dallas, le 22 novembre 1963, le jour où Kennedy a été assassiné. Un sujet inépuisable, même sans aborder les multiples théories du complot qui se sont greffées dessus.
James Epping est, de nos jours, professeur de lettres à Lisbon Falls, dans le Maine. Son ami Al, le patron d'un snack qu'il fréquente assidûment, lui fait une proposition que je pourrais résumer ainsi: "Ta mission, si tu l'acceptes, consiste à sauver Kennedy." Ah! Curieux, n'est-il pas?
Mais, à ce moment, nous savons déjà plusieurs choses. Que, dans l'arrière-boutique d'Al, une faille temporelle est ouverte pour qui veut bien y pénétrer. Qu'elle envoie le candidat au voyage le 9 septembre 1958 à 11 heures 58. Que tout séjour dans le passé dure, au présent, deux minutes, quel que soit le temps écoulé à partir du 9 septembre 1958. Qu'Al vendait ses hamburgers (Fatburgers) moins cher que tous ses concurrents non parce que, comme certains l'en soupçonnaient, il les confectionnait avec du chat (on les surnommait Catburgers), mais parce qu'il achetait sa viande un demi-siècle plus tôt, au prix de l'époque. Que, pour les personnes rencontrées en 1958, chaque rencontre avec le visiteur du futur est la première. Et deux ou trois choses de ce genre, avec lesquelles Stephen King parvient à étayer, mieux que ne l'ont fait beaucoup d'écrivains avant lui, les voyages d'Al dans le temps, avec leurs limites et leur part de mystère. J'ai compris quelques-unes de leurs caractéristiques, mais pas toutes, dit en substance Al.
D'un de ces voyages, plus long qu'il n'était nécessaire pour faire ses courses chez le boucher, Al est rentré malade, mourant d'un cancer qui ne lui permettrait pas d'atteindre la date à laquelle il voulait agir pour empêcher Lee Oswald d'assassiner Kennedy. Et il se propose d'envoyer James à sa place pour faire le boulot. Celui-ci a-t-il le droit de refuser d'accomplir la dernière volonté de son ami?
"Tu peux changer l'Histoire, Jake. Comprends-tu cela? John Kennedy peut vivre."
Je n'en suis, dans ma lecture, qu'au début du quatrième et dernier chapitre de la première partie. Le roman compte six parties, c'est dire qu'il reste bien des choses à découvrir. Je vous raconterai peut-être, si j'en trouve le temps. A moins que je finisse par décider qu'il vaut mieux vous laisser dans l'attente de la suite, histoire de ne pas gâcher un plaisir à venir.
Stephen King, donc, futur best-seller mondial, quand les traductions suivront.
Vous me direz, et vous aurez raison, qu'il ne s'agit pas d'une surprise.
Et que vous aviez espéré, en commençant à lire cette note qui n'en finit pas, trouver quelque chose que vous ne connaissez pas.
Je ne vous donne pas tort.

Le problème, s'agissant de romans sur lesquels les éditeurs misent un maximum, avec l'espoir de retombées commerciales comparables, c'est qu'on en parle surtout en chiffres, et moins d'un point de vue littéraire. Dans le Wall Street Journal, par exemple, que je ne lis pas (encore moins que L'Officiel). Mais dont Courrier international a eu la bonne idée, cette semaine, de traduire en partie un article: A la recherche du prochain Harry Potter. Harry Potter et best-seller, vous l'avez compris, non seulement ça rime (pauvrement, certes), mais ce sont, dans la perspective qui m'occupe encore pour quelques minutes, de parfaits synonymes.
Selon le journal américain, Erin Morgenstern pourrait être l'heureuse élue. The Night Circus s'adresse aux jeunes et aux adultes, son univers est proche de celui de Twilight, l'éditeur (Doubleday) a signé en une semaine, la jeune écrivaine a "laissé le chèque de l'éditeur sur son bureau pendant un mois sans trop savoir ce qu'elle devait en faire."
Les ingrédients d'une nouvelle légende sont en place, l'avenir dira ce que deviendra le premier roman d'Erin Morgenstern, 33 ans. Il y est en tout cas question de magiciens, voilà qui pourrait plaire après Harry Potter.
On verra si le prochain best-seller mondial est ici... Il est peu probable, en tout cas, qu'il débarque de l’Ouzbékistan ou de, par exemple, Madagascar. Encore que. Rien n'est impossible.

1 commentaire:

  1. Billet très agréable à lire à la recherche du prochain Best seller planétaire tout un programme !
    Bravo et merci de vous attelez à la tâche je suis souvent en effet dans la catégorie "suiveurs"
    Bonne soirée !

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