jeudi 20 janvier 2011

L'année littéraire (12) - Millenium : cherchez la femme

L'histoire est d'autant mieux connue que Stieg Larsson, l'auteur des trois volumes de Millénium, est mort en 2004 avant leur parution l'année suivante - et à plus forte raison avant leur succès. Dès le début de la déferlante, on s'est donc interrogé sur la personnalité de ce journaliste engagé devenu écrivain. Et on est tombé sur sa compagne de trente ans, Eva Gabrielsson.
Compagne et pas épouse.
Le droit suédois, qui a des intransigeances qu'on n'imaginait pas, ne reconnaît aucun droit à celle qui n'est donc pas veuve. Celle-ci n'a donc rien à dire sur l'exploitation de l'œuvre, aucune légitimité à en tirer des revenus. Et on ne dit rien du fameux quatrième volume, qui était en cours d'écriture, mais loin d'être terminé. Seule la famille officielle est reconnue légitimement.
Aujourd'hui, Eva Gabrielsson en a gros sur la patate, je la comprends. Elle publie un livre auquel Marie-Françoise Colombani a apporté sa collaboration, Millénium, Stieg et moi.
Et c'est apparemment le livre de la semaine dans la presse française. Anne-Françoise Hivert, correspondante de Libération en Suède, a rencontré Eva Gabrielsson. Antoine Jacob a fait le voyage pour La Croix. Et L'Express publie des extraits du livre.
De quoi mieux connaître les origines de Millénium. Et ses conséquences...

mercredi 19 janvier 2011

L'année littéraire (11) - Jean Dutourd, donc

Je ne pensais franchement pas vous entretenir de Jean Dutourd, mort avant-hier à 91 ans, et dont je garde le souvenir d'une rencontre où son intransigeance sur la langue française m'avait atterré.
Mais, en levant les yeux d'un gros roman dont il me reste à lire 300 pages, je tombe sur un article ancien, paru en 1991, qui prouve que je m'étais rendu une fois chez lui. Je l'avais oublié.
Souvenir d'un homme que je n'ai jamais appris à aimer...

Jean Dutourd est un homme exquis. Il reçoit chez lui, dans son bureau-bibliothèque qu'il n'a pas eu besoin d'équiper de rayonnages - quand il a acheté la maison, la pièce en était déjà toute garnie! -, et s'inquiète du confort de son interlocuteur. Puis il se met à raconter l'histoire de son nouveau livre, Portraits de femmes. Quoiqu'en fait d'histoire...
«L'histoire, ce n'est jamais très important. C'est une petite histoire qui s'est faite toute seule. Je ne savais pas très bien comment cela allait continuer. Je m'amusais à faire l'histoire d'un écrivain sans talent. Et puis, grâce à l'imagination, je ne m'en suis pas contenté...»
Alors, du point de départ qui était un portrait de Remi Chapotot, écrivain à succès mais tâcheron des lettres, Jean Dutourd a basculé vers des portraits de femmes. D'une femme, en particulier, la secrétaire de l'écrivain.
«C'est mon fantasme, Mme Petitdidier. L'idée d'avoir une secrétaire comme ça, vous pensez... Idéale! Idiote, tout ce qu'il faut, parfaite, consciencieuse, connaissant bien son métier, aux petits soins...»
Viendront ensuite deux autres femmes, une Bordelaise qui a décidé d'enlever de haute lutte le cœur de l'écrivain et une animatrice de salon littéraire qui est une sorte de monstre sacré à la Françoise Verny. Mais, avouons-le, ces portraits successifs ne nous ont pas apporté de très grand plaisir. Ils ont quelque chose de pesant qui n'enthousiasme guère. Tant pis. La conversation continue, sur le thème de la postérité.
«Le gros lot, c'est d'être lu après qu'on est mort, par des gens qui sont véritablement sans passion. Aujourd'hui, les gens vous lisent avec les passions du moment. Ils vous connaissent grâce aux moyens de l'information. Par leur canal, on devient sympathique aux uns, antipathique aux autres. Les uns vous lisent avec bienveillance, les autres avec malveillance, parce que vous les caressez dans le sens du poil ou, au contraire, parce que vous leur donnez de l'urticaire.»
Et puis, tout professionnel de l'écriture qu'il soit avec sa cinquantaine de livres derrière lui, Jean Dutourd n'est pas à l'abri de la panne, qu'il appelle fausse couche quand elle survient en cours d'écriture.
«J'ai eu trois fausses couches dans ma vie. Il y a très longtemps, j'avais 32 ans, j'avais envie d'écrire un livre sur la Commune avec des ambitions idiotes. Je me disais: non seulement je vais faire Guerre et Paix, mais je vais y ajouter la Révolution, je vais enfoncer Tolstoï! Quand on part avec des idées comme ça, c'est raté d'avance. Bien entendu, au bout de 150 pages, je me suis arrêté parce que mon héros me sortait par les yeux. La deuxième fois, c'était l'histoire d'un jeune homme et j'en avais 250 pages quand je me suis arrêté, stoppé net. Je l'ai laissé dormir sept ou huit ans, et puis je l'ai repris. Ça a donné un roman qui s'appelait Henri ou l'Éducation nationale. La troisième fausse couche, elle vient de se produire, mais ce ne sera pas une vraie fausse couche parce que je vais la reprendre, il y a là-dedans des trucs qui m'intéressent.»
Épatant, non? (Oui, Jean Dutourd a bien utilisé son mot fétiche dans la conversation.)

dimanche 16 janvier 2011

L'année littéraire (10) - Ils ont vendu, ils vendent, ils vendront, mais...

Il y a quelques jours déjà que Le Figaro a publié son palmarès annuel des romanciers français les plus vendus. Un box-office dont je me passerais bien, pour le remplacer allègrement, et sans le moindre remords, par mon bilan personnel de 2010 d'où les tirages sont absents au profit de l'exigence littéraire.
Mais les échos rencontrés par la liste des dix, dont trois sont millionnaires en nombre d'exemplaires, sont tels que je ne résiste pas à y ajouter mon commentaire - après avoir pourtant hésité à le faire.
D'abord, comprenons-nous bien: je n'ai rien contre la bonne littérature populaire (mais qu'est-ce que la bonne littérature, populaire ou non? ah! ce n'est pas encore aujourd'hui que je parviendrai à donner une réponse). Dumas, c'est formidable!
Mais Marc Levy, Katherine Pancol et Guillaume Musso, les trois premiers de la liste? Bof!
Poursuivons...
Anna Gavalda, c'était bien à ses débuts. Tatiana de Rosnay, je n'ai pas lu. Éric-Emmanuel Schmitt, assez pour ne pas avoir envie d'en lire davantage. Michel Houellebecq, j'ai déjà dit pourquoi je n'en pensais pas beaucoup de bien. Amélie Nothomb aussi. Maxime Chattam, c'est parfois distrayant.
Mais je sauverais très volontiers Fred Vargas, dont le personnage principal, Adamsberg, est devenu un familier. En dépit du fait qu'elle est violemment attaquée, avec d'autres intellectuels français, par un écrivain que j'aime beaucoup, Antonio Tabucchi, dans Le Monde daté d'aujourd'hui à propos de ses prises de position sur l'affaire Battisti - mais cela n'a strictement rien à voir avec la qualité de ses romans policiers. Ceux-ci étant peut-être la vraie littérature populaire d'aujourd'hui...

vendredi 14 janvier 2011

L'année littéraire (9) - Angot m'angoisse

Dans les articles parus ces jours-ci sur le nouveau roman de Christine Angot, Les petits, je traque les réserves que pourraient émettre les journalistes. Et je ne trouve que des éloges. Presque une déclaration d'amour collective. Je vois très bien les phrases que son éditeur pourrait publier, en caractères gras, dans un prochain placard publicitaire.

Le lancinant roman de Christine Angot.
Fabienne Pascaud (Télérama)

Ce sens du rythme, des discours et des voix qui lui est propre.
Claire Devarrieux (Libération)

Impossible de lâcher ces Petits.
Raphaëlle Rérolle (Le Monde)

Le courant passe entre cet homme et nous, et le livre prend.
Claude Arnaud, (Le Point)

Pour tout dire, Claude Arnaud fait quand même quelques reproches à l'écrivaine. Mais, en dehors du fait que j'ai lu la même histoire que les autres dans Les petits (dont Claire Devarrieux fait un résumé circonstancié, comme s'il n'y avait rien d'autre à en dire, sinon pour ajouter une phrase destinée au placard publicitaire monté ci-dessus), j'ai l'impression d'avoir passé du temps dans des pages très différentes.
Non, le livre ne prend pas, il n'a pas de style, il est plus ennuyeux que lancinant. Tous les tics de Christine Angot sont là. Ni plus, ni moins.

jeudi 13 janvier 2011

L'année littéraire (8) - Alexandre Dumas en Italie

On ne peut pas, même à L'Express, trouver chaque semaine de quoi nourrir la polémique. C'est dans la rubrique Indiscrets, secteur culture, que je trouve l'annonce de la parution, en avril, du premier tome d'une série d'inédits d'Alexandre Dumas: les chroniques qu'il publia, dans les années 1860, et alors qu'il habitait Naples, dans un journal qu'il avait lui-même fondé. On en reprend (volontiers) pour 3000 pages.
Mais l'épisode n'était pas si peu connu que cela, comme l'affirme le magazine. Très récemment, en 2007, Claude Schopp, qui sera aussi de cette aventure, avait publié des Chroniques napolitaines d'hier et d'aujourd'hui déjà puisées dans les chroniques de Dumas pour L'Indipendente.
Dont on peut dire ceci:
Dumas admirait Garibaldi et aimait Naples. Il y fonde un journal en 1860, qu’il écrit presque seul pendant plus de trois ans et où, donc, il parle de tout et de rien. Claude Schopp, infatigable arpenteur et découvreur de son œuvre, y a puisé la matière d’un volume inédit et passionnant. Deux longues chroniques historiques l’ouvrent, écrites comme des romans. Des sujets d’actualité le complètent, où Dumas raconte surtout des histoires de brigands. La ville de Naples en est pleine et le banditisme semble être un art local. L’écrivain le dénonce, certes, mais il y prend aussi, à l’évidence, du plaisir. Après tout, ce sont de merveilleux sujets pour des articles brefs ou pour des feuilletons dans lesquels il n’est même pas nécessaire de tirer à la ligne. C’est de l’excellent Dumas.

mardi 11 janvier 2011

L'année littéraire (7) - Un médiologue à l'académie Goncourt

Curieuse élection à l'académie Goncourt aujourd'hui: Michel Tournier (86 ans) ayant demandé, après François Nourissier et Daniel Boulanger, à devenir membre honoraire, il sera remplacé par Régis Debray, inventeur-promoteur et, à ma connaissance (pardonnez-moi si je me trompe, je ne suis pas spécialiste), seul utilisateur de...
(Un instant, il faut que je réprime un éclat de rire.)
... de, donc, la médiologie.
Le ci-devant médiologue, qui eut plusieurs vies (dont l'une fut révolutionnaire en compagnie du Che) depuis le siècle dernier, devient donc l'un des dix jurés qui vont décider, en novembre prochain, de l'avenir de la littérature - euh... non, c'est peut-être excessif: du roman que l'on achètera en cadeau à la fin de l'année.
Longtemps, l'académie Goncourt a été composée de romanciers. Dont on pensait ce qu'on voulait. Mais au moins écrivaient-ils des romans.
Puis vint Bernard Pivot qui, sans appartenir à la profession, avait bien mérité d'icelle et avait pour autre mérite d'être un vrai, un grand lecteur - ce pourquoi on peut lui pardonner beaucoup, s'il y a d'ailleurs quelque chose à pardonner.
Mais Régis Debray?
(Pardon, encore un éclat de rire à réprimer.)
Le roman n'est pas tout à fait pour lui un terrain inconnu. Il a reçu le prix Femina en 1977 pour La neige brûle, dont je garde le souvenir lointain d'un livre correct, pas davantage. Je garde aussi le souvenir d'une conférence prétentieuse pendant laquelle Régis Debray m'avait exaspéré en enfonçant des portes ouvertes. Certes avec élégance, mais surtout en noyant les lieux communs dans un jargon qui tentait de les faire passer pour une pensée neuve.
Bref, je ne tiens pas son élection à l'académie Goncourt pour une bonne nouvelle.

dimanche 9 janvier 2011

L'année littéraire (6) - Quelques centaines de milliers d'exemplaires plus tard

Voilà, j'ai fait comme quelques centaines de milliers de lecteurs: j'ai lu Indignez-vous!, de Stéphane Hessel. Un livre sur lequel il s'est publié des commentaires bien plus abondants que le texte bref dont il est constitué - l'équivalent de quelques articles. Le succès était tout à fait inattendu, comparable (sinon supérieur) à celui de Matin brun, de Franck Pavloff, dix ans plus tôt. Cela s'achète comme une friandise au moment de passer à la caisse, on passe un quart d'heure dedans, et puis, apparemment, on en parle autour de soi.
Le tirage doit, à l'heure qu'il est, approcher le million d'exemplaires. Et, comme toujours dans ce type d'emballement généralisé, il repose en grande partie sur un malentendu.
Car Stéphane Hessel, vieux monsieur très digne qui affiche ses 93 ans («C'est un peu la toute dernière étape», écrit-il), n'était pas prédestiné à une telle fête au soir de sa vie. Il lui a suffi (si j'ose dire) d'une vingtaine de pages qui seraient passées inaperçues dans un magazine pour qu'un éditeur pense à les brocher sous forme de livre et que la machine démarre...
Serions-nous entrés dans un temps où la nécessité de l'indignation deviendrait plus urgente qu'à d'autres époques? Stéphane Hessel a-t-il appuyé, sans le savoir - mais avec la force de son expérience et de sa conviction -, sur le bon bouton, celui qui allait déclencher une prise de conscience collective?
A dire vrai, je ne sais pas. Il n'est pas mal, cet opuscule. Mais je n'y ai pas trouvé ce qui pouvait remuer les foules. Peut-être ai-je réussi à préserver mes propres indignations et n'ai-je pas besoin qu'on me pousse à le faire savoir? Mais il ne me semble pas que les gens, autour de moi, soient si différents...
Alors? Ben, alors, je n'ai pas d'explication. Le succès va où il veut, après tout...

samedi 8 janvier 2011

L'année littéraire (5) - Les mots interdits

Il y a quelques années (assez nombreuses, ces années), j'avais utilisé dans un article l'expression "politiquement correct" que le chef d'édition m'avait demandé de modifier parce qu'il ne la comprenait pas et que, donc, nos lecteurs ne la comprendraient pas non plus. Il n'avait probablement pas tort. Mais, s'il était encore en poste aujourd'hui, il ne réagirait pas de la même manière. Le politiquement correct est partout: on enlève la cigarette de Malraux ou la pipe de Tati sur les timbres et les affiches, au prétexte que la publicité pour le tabac est interdite. Sans penser un instant qu'en pratiquant comme les plus efficaces censeurs de l'ère stalinienne, on réécrit une Histoire qui n'en demandait pas tant, trompant par la même occasion un public qui, souvent, ignorera l'image authentique.
Voilà qu'un éditeur américain de Mark Twain a eu une nouvelle idée, dans le même état d'esprit: supprimer de la prochaine édition des Aventures de Tom Sawyer et surtout de leur suite, celles de Huckleberry Finn, l'infâme mot "nigger".
L'éditeur, Alan Gribben, était (quand même) conscient de la polémique qui pourrait naître après cette décision. Ce qu'il appelle "the pejorative n-word" (qu'il n'ose même pas citer dans sa préface!), utilisé 218 fois par Mark Twain dans Huckleberry Finn (et, ajouterai-je, neuf fois dans Tom Sawyer), est donc remplacé, pour atténuer l'offense, par le mot "slave".
Il n'y a pas (tout à fait) de quoi en faire une affaire d'État. Mais quand même... Modifier le texte d'un écrivain n'est pas une initiative anodine. Je me demande même si le droit moral des héritiers ne pourrait pas être invoqué pour interdire cette pratique dont on voit où elle commence, et dont on ne sait où elle s'arrêtera.
Car la prochaine étape devrait consister, si la logique est respectée, à supprimer le mot "femme" de tous les livres puisque (merci, John Lennon) Woman is the Nigger on the World...

jeudi 6 janvier 2011

L'année littéraire (4) - La dynastie chahutée des Jardin

Le plus souvent, les livres d'Alexandre Jardin m'insupportent. J'y trouve un mélange mal maîtrisé de naïveté et de roublardise qui fait de lui, comme écrivain, le fils indigne de Pascal Jardin - encore faudrait-il que je relise celui-ci pour vérifier - qui me semble avoir été doté d'un talent très supérieur.
Pourtant, Des gens très bien, lu il y a quelques jours, et d'où ne sont pas tout à fait absentes la naïveté et la roublardise notées plus haut, m'a touché. Il y est question d'un homme que Pascal Jardin avait rendu célèbre dans Le nain jaune: Jean Jardin, père de Pascal et grand-père d'Alexandre. Il était directeur de cabinet (dircab, comme on ne le disait probablement pas à l'époque, ce qui n'empêche pas Alexandre Jardin d'utiliser le mot plusieurs fois) de Pierre Laval du 20 avril 1942 au 30 octobre 1943, donc notamment au moment de la rafle du Vél' d'Hiv'...
«Ce pourrait être un des livres polémiques de la rentrée», écrit Marianne Payot dans L'Express. Dont la conclusion se rapproche de ce que j'ai moi-même ressenti: «On referme ce livre songeur, dubitatif, tout à la fois agacé et touché, incrédule et compatissant. Alexandre Jardin, lui, dit signer aujourd'hui son acte de renaissance. Au bénéfice du doute, souhaitons-lui une deuxième vie, plus apaisée...»
Dans Le Point, sur cinq pages qui reprennent aussi un entretien avec l'historien Robert O. Paxton et un extrait du livre, Émilie Lanez ne tient pas des propos très différents. Pour elle aussi, «Ce livre fera du tintamarre.» Et elle s'étonne de la transformation survenue entre le jeune homme de Bille en tête et l'adulte de 44 ans qu'il est aujourd'hui: «On l'avait quitté romancier de bluettes, amateur d'improbables épopées conjugales, prophète souriant de la félicité matrimoniale, rejeton très tôt doué - à 23 ans, il est l'auteur le plus vendu dans le monde - d'un père, Pascal Jardin, étourdissant écrivain et dialoguiste. On le retrouve changé.»
En effet. Et promis peut-être à un joli succès en ce début d'année.
Il est présent aussi ce matin à la Une du Figaro, on parlera de lui cet après-midi dans Le Monde et il sera ce soir sur le plateau de La grande librairie (France 5, 20h35) en compagnie de, tiens donc!, Stéphane Hessel, dont Indignez-vous!, à peine un livre par son format, écrase actuellement tous les autres titres dans les listes de meilleures ventes.

mercredi 5 janvier 2011

L'année littéraire (3) - PPDA rhabillé pour la fin de l'hiver

Polémique, deuxième!
Celle-ci possède, comme la première, un air américain, puisqu'il est question d'Ernest Hemingway. Et surtout de son nouveau biographe, Patrick Poivre d'Arvor. Il publie (ou aurait dû publier, je reviendrai sur cette incertitude) chez Arthaud, le 19 janvier, Hemingway, la vie jusqu'à l'excès.
Jérôme Dupuis, de L'Express, l'a lu. Attentivement. Avec, à côté, le livre de Peter Griffin, Ernest Hemingway, tome 1: Au fil de sa jeunesse, traduit chez Gallimard en 1989 - et épuisé.
Le journaliste a trouvé d'étranges ressemblances entre les deux ouvrages: «Les "emprunts" opérés par le journaliste-écrivain sont manifestes, massifs, et comme portés par un étonnant sentiment d'impunité. Selon notre enquête, ce sont près de 100 pages de son Hemingway, la vie jusqu'à l'excès qui sont directement inspirées de l'ouvrage de Griffin, sans qu'aucuns guillemets le signalent. Des dizaines et des dizaines de paragraphes s'apparentent à des "copier-coller", souvent grossièrement maquillés par des inversions de phrases ou l'usage effréné de synonymes.»
Pour appuyer ses dires, Jérôme Dupuis fournit trois exemples en fac-similé de passages dont le rapprochement est en effet troublant. Pour le moins.
Il y a plus troublant encore.
Contacté par L'Express, PPDA trouve «très désobligeant ce soupçon de plagiat» (il ne s'agit pas de soupçon, contrairement à ce qu'il dit, mais d'une véritable accusation). Il explique qu'il a passé un an et demi à écrire ce livre et qu'il a évidemment lu les autres biographies de l'écrivain américain, «au nombre desquelles celle de Griffin me semble la meilleure sur le jeune Hemingway.»
D'accord. Mais alors, pourquoi, se demande Jérôme Dupuis, ne se trouve-t-elle pas renseignée dans la bibliographie pourtant copieuse qui accompagne l'ouvrage? (Bibliographie que le journaliste de L'Express considère d'ailleurs comme un leurre, après y avoir relevé des références de livres dont il n'a été fait aucun usage.)
On dirait vraiment (c'est mon interprétation) qu'après avoir mangé en cachette la moitié d'un pot de confiture, un sale gamin l'a caché derrière les autres (pleins) en espérant que sa mère ne s'en apercevrait jamais...
La mère (Jérôme Dupuis) s'en est aperçue, s'est mise en colère et a sorti, en guise de pan-pan-cul-cul, un titre éloquent: «Patrick Plagiat d'Arvor».
Depuis hier, on se gausse donc.
Moins chez l'éditeur, qui s'est fendu d'un communiqué pas très (pas du tout) convaincant dont Livres Hebdo donne la substance: «Suite à l’article publié par l’Express.fr, au sujet de la biographie à paraître de Patrick Poivre d’Arvor, Hemingway, la vie jusqu’à l’excès, les Editions Arthaud tiennent à préciser que le texte imprimé, qui a été diffusé par erreur à la presse en décembre, était une version de travail provisoire. Elle ne correspond pas à la version définitive validée par l’auteur, dont la commercialisation en librairie est prévue fin janvier ».
Une erreur des documentalistes... Ouais...
En attendant, aujourd'hui, le livre n'est pas annoncé sur le site de l'éditeur (je ne sais pas s'il y était auparavant). Et on attend de voir si les 414 pages initialement prévues seront au rendez-vous du 19 janvier...

mardi 4 janvier 2011

C'est dans la poche : n° 4

Le quatrième numéro de votre mensuel préféré (?) est arrivé, avec quelques changements notables. Entre autres celui-ci, tel qu'il est décrit dans l'éditorial:

Jusqu’à présent, nous nous contentions de présenter des livres au format de poche publiés avant la parution du magazine. Pour fêter dignement l’année nouvelle, nous anticiperons désormais de quelques jours. Vous trouverez ici des articles sur des ouvrages qui ne sont pas encore en librairie – mais qui sont sur le point d’y arriver.
Ainsi, les deux grands blocs (quatre pages chacun, presque deux dossiers pour le prix d’un!) constitués par des articles et des entretiens concernent Dany Laferrière et Pierre d’Ovidio. L’énigme du retour, du premier, sort le 5. L’ingratitude des fils, du second, le lendemain.
Ce changement nous semblait nécessaire pour être autant que possible dans l’actualité. Même si le poche est souvent dédaigné par celles et ceux qui font l’actualité, nous connaissons assez de lecteurs qui attendent les offices (comme on le dit chez les libraires) avec une légitime impatience. Si nous rencontrons mieux celle-ci, nous aurons atteint un de nos objectifs.

Voici les liens de chargement:

L'année littéraire (2) - Andreï Makine, l’amour plutôt que l’idéologie

Bernard Pivot inaugure l’année par une chronique (Le Journal du dimanche, 2 janvier) consacrée au nouveau roman d’Andreï Makine, Le livre des brèves amours éternelles (Seuil, parution le 6 janvier). Chez un écrivain qu’il estime «au mieux de son talent classique» (l’expression ne semble pas avoir été suscitée par un enthousiasme débordant), il trouve «la dissidence par l’amour».
À dire vrai, ce «splendide roman» paraît avoir retenu l’attention de Bernard Pivot par ce qu’il éveille chez le lecteur de souvenirs brûlants de ses propres passions – encore que l’introduction de l’article ne soit pas très claire, si bien qu’on se demande, un temps, s’il est question du livre de Makine ou d’autre chose.
De toute manière, «le personnage le plus émouvant est un authentique dissident» et non le narrateur. Voilà qui tendrait, chez un esprit mal tourné, à évoquer, malgré les compliments, un échec: si la fiction est moins puissante que la réalité, à quoi sert-il d’écrire un roman?

lundi 3 janvier 2011

L'année littéraire (1) - Gatsby, magnifique ou pas ?

Début d'année, bonnes résolutions...
Je vais essayer de vous faire vivre l'année littéraire à travers une revue de presse permanente, dans laquelle je compte bien glisser mon grain de sel quand j'aurai lu les livres dont il sera question - non, je ne suis pas du même avis que tous mes confrères.
On commence tout de suite.

L’année littéraire 2011 a commencé fin 2010, dans Le Figaro Magazine (31 décembre), sur un ton polémique. Forcément : l’article est signé Frédéric Beigbeder. À la nouvelle traduction française du roman de Francis Scott Fitzgerald, The Great Gatsby, il ne trouve que des défauts.
Il argumente: la première et la dernière phrase sont comparées dans le détail. La version de Julie Wolkenstein (chez P.O.L., parution le 5 janvier) est, c’est vrai, et dans les deux cas, faiblarde ou plutôt laborieuse, par rapport à celle qu’il cite. Au fait, laquelle cite-t-il? Victor Llona a été le premier traducteur de Gatsby le magnifique, dont Jacques Tournier a donné, déjà, une deuxième version plus tard. Sur ce point, Frédéric Beigbeder nous laisse un peu sur notre faim quand il écrit: «Nous avons avec ce roman des habitudes de vieux garçon, les textes de Jacques Tournier et Victor Llona nous rappelaient notre jeunesse». N’y avait-il pas de différences entre eux? Un point à creuser…
Au moins, sur le titre, Tournier n’avait rien changé à Llona. Tandis que Julie Wolkenstein se contente d’un sobre Gatsby dans lequel Frédéric Beigbeder voit «un crime de lèse-majesté intolérable». Proposant d’autres traductions de l’adjectif manquant, d’ailleurs plutôt moins bonnes que «le magnifique».
L’auteur de l’article aimerait bien avoir lancé avec celui-ci la première polémique de 2011: «Il me semble que je ne vais pas être le seul à pousser des cris d’orfraie analogues à ceux d’une «flapper» simulant un orgasme pour quelques colliers de chez Tiffany. Son exercice parfaitement vain (refaire un travail déjà fait, en moins bien) nous rappelle ce principe de base : pour être un bon traducteur, il faut d’abord être un bon écrivain.»

dimanche 2 janvier 2011

Mes voeux les plus sincères...

Toutes les traditions ne sont pas à jeter, n'est-ce pas? Puisque nous avons mis le pied en 2011, malgré nous mais avec les meilleures intentions du monde, je vous souhaite le meilleur pour les douze mois à venir - et la suite aussi, bien sûr, pourquoi se limiter à douze mois.
Si j'ai la chance d'avoir une petite place dans vos pensées, souhaitez-moi une connexion Internet plus fiable, je galère depuis des semaines et la période des fêtes n'est pas la plus propice à la mobilisation des compétences requises pour arranger cela.
C'est dans la poche, numéro de janvier, devrait quand même sortir très vite. Et ce blog, reprendre une vitesse de croisière mieux adaptée à l'actualité.