samedi 14 janvier 2012

Minuit, symbole de la France occupée et en création, selon Dan Franck

Quand il a publié Bohèmes en 1998, Dan Franck n’imaginait probablement pas que Libertad! verrait le jour six ans plus tard et, après six nouvelles années, Minuit. Ce récit touffu et passionnant, devenu après coup un véritable cycle, Les aventuriers de l’art moderne, avance dans le siècle – le vingtième – avec des détails de plus en plus précis. Si le premier volume racontait trois décennies (1900-1930), le deuxième courait sur une seule (1931-1939), et celui-ci se limite aux années de la Seconde guerre mondiale. La littérature abonde, il est vrai, sur cette période, peut-être davantage encore que sur les précédentes. On en veut pour preuve une bibliographie (sélective) qui occupe, en petits caractères, les cinq dernières pages du livre.
Ils n’ont pas tous choisi d’y être, mais ils sont tous là, dans la France occupée. Peintres, musiciens, cinéastes, acteurs, chanteurs, écrivains… Au fond, pas si différents dans leurs comportements de l’ensemble de la population.
Certains n’ont pas caché avant la guerre leur sympathie pour l’ordre instauré par Hitler, sympathie qui s’accompagne parfois d’un identique rejet des Juifs. Ils se réjouissent d’événements dans lesquels la France, perdue par la paresse et la jouissance, trouvera une chance de redevenir grande.
D’autres ont vu venir avec crainte tout ce que représentait le nouveau désir de puissance de l’Allemagne. Et quelques-uns parmi eux sont entrés tout de suite en résistance contre le choix de Pétain. La plupart, cependant, attendront prudemment. Il est question, après tout, de leur peau – et la liste est longue de ceux qui l’ont laissée dans l’aventure, sans se demander s’il y avait lieu d’être courageux ou pas, tant la voie à suivre leur paraissait évidente.
Minuit – le titre –, c’est le nom de la belle maison d’édition créée par Pierre de Lescure et Jean Bruller pour publier Le silence la mer, que le second signa Vercors. Dan Franck raconte sa naissance à la manière dont il traite tous les épisodes de sa fresque: comme un romancier qui se garderait, pour une fois, d’imaginer mais qui aurait gardé entier son pouvoir d’évocation. Puisqu’il a tout lu, et qu’il ne prétend pas avoir découvert quelque anecdote inédite et croustillante, il se contente de restituer. Mais avec un art de la mise en scène époustouflant. Et un sens de la nuance qui l’honore: entre le noir et le blanc, si faciles à juger aujourd’hui, d’innombrables nuances de gris habillent ses personnages vrais.
On retiendra une foule de moments tragiques, drôles ou simplement humains. On n’oubliera plus les noms de ceux qui sont restés résolument fidèles à des idéaux variés mais qui avaient en commun d’être incompatibles avec le nazisme et l’antisémitisme.

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