dimanche 22 avril 2012

Un semblant de justice pour Marc Dugain

Le bien et le mal sont à l’œuvre dans le nouveau roman de Marc Dugain. La lutte entre anges et démons reprend du service, avec l’innocence pour enjeu. Les vieux schémas ont du bon : les points de repère sont connus depuis toujours, seul le cadre géographique et temporal varie. Cette fois, nous sommes en Allemagne, au moment où le régime nazi vacille, dans une région occupée par l’armée française. Pour être précis, L’insomnie des étoiles commence un peu avant cette occupation, dans une ferme isolée encerclée de terrains spongieux. La jeune Maria, plus tout à fait une enfant, pas encore vraiment une femme, y vit seule, nourrie de pauvres provisions qu’elle fait durer : deux pommes de terre et un oignon chaque jour, crus quand elle n’arrive pas à allumer un feu. Pour ce qu’elle en sait, sa mère est morte et son père est sur le front russe. Elle craint la violence des hommes qui sont venus pour emporter les meubles et tout ce qui pouvait servir. Elle se cache, assiste à un meurtre…
On en est là quand la victoire alliée se dessine et qu’elle est trouvée puis emmenée par des soldats français. Leur regard n’est pas différent de celui des Allemands. Maria est prête à quelques concessions, pourvu qu’on lui lise les lettres de son père qu’elle est devenue incapable de déchiffrer depuis qu’elle a perdu ses lunettes.
Survient alors le capitaine Louyre, en charge du canton. Astronome de profession, moins familier des ordres que des étoiles, son commandement lui pèse. Maria et les restes humains qu’elle a cachés dans la ferme lui semblent un mystère aussi profond que celui des galaxies, et digne de son intérêt. L’enquête qu’il mènera, et qui débouchera sur de surprenantes révélations, ne pourra bien sûr intéresser que lui. C’est bien assez à ses yeux pour placer un homme face à ses crimes et redresser, si peu que ce soit, l’équilibre du monde.
Louyre ne juge pas. Il connaît trop sa propre fragilité. Mais il ne s’interdit pas le dégoût. Et sa terrible lucidité, exercée sur les autres comme sur lui-même, traverse les apparences pour creuser jusqu’aux racines du mal. Sans doute se défendrait-il de représenter le bien si quelqu’un le lui affirmait. C’est pourtant bien cette figure qu’il incarne, presque malgré lui. Marc Dugain en a fait un héros ordinaire, fidèle au fond à la ligne de faîte de son œuvre romanesque : chercher l’au-delà de l’homme, à moins que ce soit l’en deçà, puisque les deux se rejoignent souvent quand ils sont constitutifs d’un personnage.

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