jeudi 19 juillet 2012

Du sexe pour pimenter les classiques? Drôle d'idée...

Il fut un temps où l'érotisme et la pornographie, en littérature, étaient tout simplement... de la littérature. Bonne ou mauvaise, selon le talent de l'auteur. Les voici devenus un argument commercial. Comment peut-on tomber si bas?
Le succès anglo-saxon de Fifty Shades of Grey, par E.L. James qui lui a aimablement donné deux suites (Fifty Shades Darker et Fifty Shades Freed), en a inspiré plus d'un. Bien sûr, nous aurons prochainement une traduction en français de ce best-seller (à la qualité douteuse, d'après ses lecteurs critiques). Ce sera le 17 octobre, chez Lattès - déjà le titre est nul: 50 nuances de Grey, franchement... Et si la cravate de la couverture vous donne envie d'une séance de fouet, prévenez-moi, j'ai l'adresse d'un bon psy.
Donc, dans la série: vous n'échapperez plus au sexe, voici Clandestine Classics - les classiques clandestins, pour ceux qui n'auraient pas compris. Une réécriture non censurée de romans connus. Non censurée? Et dire que nous pensions lire des versions intégrales de Jane Eyre ou d'Orgueil et préjugés... Nous aurait-on menti depuis si longtemps? Pas tout à fait. L'idée (appelons ça une idée) qui préside à la collection est - je l'interprète ainsi - que les auteurs classiques se sont auto-censurés, bridant leur imagination érotique pour ne pas être condamnés par la morale de leur époque.
C'est, d'une part, faire fi des nombreuses condamnations morales, voire pénales, qui ont ponctué l'histoire de la littérature - demandez à Baudelaire, à Flaubert, à Oscar Wilde, et demandez-vous aussi pourquoi tant d'écrivains (je vous renvoie à ce que je disais récemment de Georges Bataille) ont cru nécessaire de prendre un pseudonyme pour publier certains de leurs livres, de peur des représailles. La liste est longue...
C'est, d'autre part, faire semblant d'ignorer qu'un romancier est totalement libre d'aller là où il veut dans la sexualité explicite, implicite, ou dans l'absence de sexualité. Depuis quand serait-on obligé de pimenter un livre par des scènes "osées" (les guillemets s'imposent) pour qu'il acquière de la valeur aux yeux de ses lecteurs?
Ridicule...
Tiens! me voici presque en colère!
Il n'y a pas de quoi? Attendez un peu. Marie Sexton (un mari, une fille, deux chats et un chien, cela devait forcément lui donner de l'inspiration) a revu et corrigé Vingt mille lieues sous les mers, qui manquait certainement de piquant. Pauvre Jules Verne! Pourquoi n'a-t-il pas imaginé la passion qui lie désormais Pierre Aronnax et Ned Land? Le Nautilus comme club de partouzes, avouez que vous n'y auriez pas pensé! Moi non plus, et je m'abstiendrai d'y penser davantage...

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