mardi 2 octobre 2012

Les entretiens de la rentrée : Yannick Grannec

Parmi les premiers romans de la rentrée littéraire, La déesse des petites victoires, de Yannick Grannec, est l'une des plus belles surprises. Le livre est ambitieux, côtoie les hautes cimes des mathématiques - habituellement inaccessibles au commun des mortels (vous peut-être, mais moi, je n'y arrive pas) - en passant par l'humain (et les femmes) pour balayer la vie de Kurt Gödel autant que son œuvre. La veuve du mathématicien et une documentaliste se livrent à une danse de séduction qui aboutit à une véritable relation de confiance, peut-être même une amitié. J'ai posé par messagerie électronique quelques questions à l'écrivaine, qui y répond. (Des parties de cet entretien sont précédemment parues dans Le Soir.)
Quel est le moment le plus intense dans la publication d’un roman ? Son écriture ? La décision d’un éditeur de le publier ? Sa sortie de l’imprimerie ? Le fait de le voir dans une librairie ? Les premières réactions des lecteurs extérieurs ? des journalistes ? La sélection dans les quatre finalistes du prix du roman Fnac ? Ou tout autre chose ?
Tous ces moments sont fabuleux, émouvants et je range ces souvenirs bien au chaud pour des jours moins cléments.  Mais l’écriture de La déesse des petites victoires a été un marathon solitaire de quatre ans.  Avec quelques belles périodes de vrai « flow » et pas mal de grands moments de doutes. Alors, quand j’ai entendu au téléphone une voix inconnue me dire « je veux vous publier ». Oui, c’était peut-être le moment le plus intense. Le doute disparaissait enfin pour un instant. Pour un instant seulement.
Comment avez-vous réussi à publier votre roman ? L’aviez-vous envoyé chez d’autres éditeurs, par courrier ou par relations ? Avez-vous eu des réponses négatives ? Bref, comment est-ce que cela s’est passé ?
J’ai adressé deux manuscrits par la poste, dont un à Stephen Carrière, qu’une amie m’avait conseillé de contacter. Il m’a répondu au bout de cinq jours. On ne résiste pas à son enthousiasme.
Y a-t-il longtemps que vous pensiez à Gödel comme à un possible personnage de roman ?
J’ai rencontré l’étrange monsieur Gödel à dix-huit ans, quand le fameux Gödel, Escher Bach m’est tombé entre les mains. Et des mains, puisque ce livre fabuleux était particulièrement ardu ! Il y a cinq ou six ans, j’ai lu un essai sur l’œuvre de Kurt Gödel, puis un autre. Dans chacun, sa femme Adèle y était à peine mentionnée et en termes pas toujours flatteurs. J’ai eu une intuition, celle d’une belle et intense histoire à raconter. Une histoire d’amour de près de 50 ans entre un génie des mathématiques et une petite danseuse. Et à travers elle, toute l’histoire scientifique du 20e siècle.
La structure du récit, qui chemine sur un double plan, s’est-elle imposée à vous très vite ?
Dès le début. Le personnage fictif d’Anna Roth, « celle qui écoute », était nécessaire pour faire parler Adèle et éclairer plus particulièrement la réaction des Gödel à la montée du nazisme.  Elle me permettait aussi d’alléger le récit, d’amener un peu de fraîcheur. Les passages historiques et scientifiques étant très documentés, parfois compliqués à écrire, la relation entre les deux femmes est devenue la « récréation narrative » que je m’accordais pour souffler. Et puis Anna a pris corps, elle a refusé de n’être qu’un faire-valoir. Elle a réclamé sa propre histoire. Et ce que personnage veut…

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