dimanche 24 février 2013

Les volumes 7 à 12 des Romans durs de Georges Simenon viennent de paraître. J'avais effectué, en avril de l'année dernière, un parcours dans les six premiers tomes, publiés à ce moment. Complétons cela sans prétendre à l'exhaustivité, en commençant par un gros roman que l'on trouve dans le volume 7.

Pedigree

Il faut se faire une raison : on ne lit plus, aujourd'hui, le texte original de Pedigree, le roman le plus épais de Simenon. La première édition, parue en 1948, avait valu à son auteur d'être assigné devant les tribunaux par des gens qui s'y étaient reconnus. Quatre ans plus tard, l'ouvrage fut réimprimé avec des blancs correspondant aux passages retranchés par décision de justice. La troisième édition, en 1958, renonçait à cette mise en évidence mais ajoutait une préface pour expliquer ce qui précède.
Et pour insister sur un point : "ce texte n'en doit pas moins être considéré comme un roman et je ne voudrais même pas qu'on y attache l'étiquette de roman biographique."
D'ailleurs, Roger Mamelin, le personnage principal, né comme Georges Simenon le 13 février 1903, et dont les parents ressemblent à ceux de l'écrivain, n'a sa première vision consciente du monde que le livre déjà bien entamé.
Avant cela, le portrait des familles Mamelin-Peters, les deux côtés bien distincts malgré le mariage entre Désiré et Elise, s'inscrit dans le cadre liégeois d'il y a un siècle. Simenon dessine la géographie d'une ville avec ses découpages sociologiques auxquels on n'échappe jamais.
Ensuite viendra la véritable formation de Roger, jusqu'à seize ans, jusqu'au choix entre deux voies divergentes : la période troublée de la guerre et la fréquentation de camarades douteux l'avaient orienté vers une pose de voyou ; la maladie de son père le contraint à une tout autre attitude et à retrouver le sérieux qui était le sien au début de ses études abandonnées entre-temps.
L'ensemble est saisissant de vérité. Le romancier s'insinue dans les lieux et dans les sentiments. Chaque personnage possède ses caractéristiques propres, ses inclinations particulières. L'opposition la plus forte marque les rapports entre le père et la mère : le premier, toujours satisfait de ce qu'il a, sans désir de s'élever sur l'échelle sociale ; la seconde, toujours prête aux petites malhonnêtetés pour amasser l'argent qui lui permettra, un jour peut-être, de devenir une autre.
Parfois décousu, comme écrit rapidement au fil de la plume et au hasard des associations d'idées, Pedigree laisse cependant rêveur. Ce souffle romanesque puissant qui empêche de lâcher le livre malgré ses faiblesses, si Georges Simenon l'avait exploité dans d'autres oeuvres !

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