vendredi 10 mai 2013

William Boyd dans le confort douteux de l'ombre


William Boyd sera l'auteur du prochain James Bond – un roman, pas un scénario. L’information pousse à lire L’attente de l’aube à la lumière de ce que devrait être le livre à venir. Les scènes spectaculaires y auront à coup sûr leur place, et comment Boyd se débrouille-t-il avec celles-ci ? Pas mal du tout, en fait, même si elles sont, dans la nuit qui précède l’aube, moins en évidence. En refermant le livre, on garde à l’esprit quelques pages dignes d’un film d’action. Une fusillade dans les tranchées, avec fusées lumineuses et héros désorienté, ferait belle impression à l’écran. Comme une séance de torture inspirée d’un incident mineur survenu à Lysander Rief, le héros en question, chez un dentiste. Ou la vision nocturne d’un bombardement de Londres par un zeppelin, dans le quartier des théâtres. Cela a de l’allure.
Il ne s’agit pourtant que de décors provisoires, ajoutés le temps de ces scènes au contexte dans lequel évolue Lysander de 1913 à 1915, entre Vienne, Londres et Genève. Celui d’une guerre dont le déroulement visible, sur le terrain des combats, se double de manœuvres plus secrètes qui influenceront le terrain. L’espionnage est le monde dans lequel évoluera Lysander. Comédien, il l’était sur scène avant de partir à Vienne, il le sera à nouveau de retour à la vie civile. Mais le rôle de sa vie restera celui qu’il a obtenu pour payer ses dettes à l’Etat britannique. Il s’était en effet mis en fâcheuse posture à Vienne, et le tirer d’affaire représentait un investissement considérable. Un excellent investissement, aussi, comme on le verra dans le déroulement de cet aspect du récit.
Il y a un autre aspect, plus personnel, probablement le plus important pour William Boyd. Le théâtre et la guerre n’y sont que des hasards. Pas Vienne. Si Lysander se trouve dans cette ville en 1913, c’est pour se placer dans la zone d’influence de Freud, qu’il n’ose cependant pas consulter pour le problème qui le préoccupe. Il confiera ses soucis au Dr Bensimon, psychanalyste lui aussi, et qui parle anglais – avec un accent du Yorkshire ou du Lancashire. Lysander souffre d’anorgasmie, puisque c’est le terme qu’utilisera le psychanalyste pour nommer son impossibilité à atteindre l’orgasme lors de l’acte sexuel. Un cas intéressant, note le Dr Bensimon…
Vienne guérit Lysander. Quand à savoir s’il est guéri par la psychanalyse ou par Hettie Bull, artiste assez directe dans son approche des hommes qui lui plaisent, c’est une autre histoire. Qui pourrait être la clé de L’attente de l’aube. Car tout ce qui suivra prendra son sens, plutôt que par une grille de lecture jamesbondienne, par les questions que se pose sans cesse le personnage principal sur ses rapports avec les femmes.
Au premier rang de ces femmes, la mère de Lysander, pour des raisons en apparence assez éloignées du classique complexe d’Œdipe. Hettie, déjà citée, lui prouve que ses ennuis sont derrière lui. Florence Duchesne tente de le tuer. Elles sont toutes les trois liées à l’affaire d’espionnage que Lysander tente de démêler, au contraire de Blanche, actrice quittée puis retrouvée… Le fleuve du sexe n’est pas vraiment tranquille, mais il roule dans ses eaux un personnage qu’il finit par mettre à nu, grâce à des investigations autobiographiques écrites à l’invitation du Dr Bensimon.
Ample et riche, le dernier roman de William Boyd est aussi un régal.

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