mardi 3 septembre 2013

Le roman à trous de Jennifer Egan

Prenez un sujet dans lequel il y a du rythme et des pauses. La musique serait un bon exemple. Regroupez quelques personnages qui vont se croiser, se perdre, se retrouver, faire des conneries, réussir deux ou trois choses, en rater beaucoup. Jetez tout cela sur une surface plane. Ramassez ce qui est au-dessus, oubliez le reste. Et collez les morceaux pour en faire un roman à trous, nerveux, où les apparents moments de relâchement débordent de tension.
Jennifer Egan, Prix Pulitzer et National Book Critics Circle Award pour Qu’avons-nous fait denos rêves ?, n’a peut-être pas composé son roman de cette manière. Mais cela y ressemble. Si bien qu’on n’a pas trop de peine à s’égarer dans des premiers chapitres entre lesquels aucune liaison ne nous simplifie la tâche de suivre la trame fine qui tient tout cela ensemble. Mais on n’éprouve pas davantage de difficultés à rester au plus près de ce qui bat derrière les bribes de mélodie. Et on ira jusqu’à comprendre la nécessité d’un douzième chapitre en forme de présentation Powerpoint, aussi inattendu dans un roman qu’utile pour insister, à partir d’exemples choisis dans la musique rock, sur l’importance des pauses déjà évoquées plus haut.
Ceci étant dit pour reconstituer, autant que possible, les aspects les plus déconstruits, de quoi s’agit-il ? Des rêves et de ce qu’ils sont devenus, comme l’annonçait le titre. Ou, pour l’exprimer comme Bosco, un musicien : « Voilà la question à laquelle je tiens à m’attaquer bille en tête : j’étais une rock-star et je suis devenu un gros connard dont tout le monde se fout, comment est-ce arrivé ? » C’est arrivé par le fonctionnement même d’un livre où seuls les temps forts sont mis en évidence, et tant pis pour les protagonistes s’ils ne leur sont pas toujours favorables. L’essentiel est que le lecteur, à défaut de s’y être retrouvé, ait été pris dans les filets de la romancière.

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