lundi 17 février 2014

Aurélien Bellanger du minitel au web 2.0

Ce serait, disait-on en août 2012, la révélation de la rentrée : un gros premier roman qui, avec la précision sociologique d’un Houellebecq, à propos duquel Aurélien Bellanger a écrit un essai, montrerait l’évolution de notre société par rapport à celle des technologies de l’information. Du minitel, qui fut une brillante idée française, au web 2.0, Pascal Ertanger, le presque sosie de Xavier Niel, montre la voie et s’en met, au passage, plein les poches.
Aurélien Bellanger ne voit pourtant pas son héros comme un homme d’affaires à qui tout réussit : « Pascal Ertanger a peur, fondamentalement peur ; le monde l’inquiète et il désire le comprendre. Les affaires vont faire écran et le protéger. Il est doué pour cela, et il le fait à la perfection. D’autant que, dans une large part, son caractère obsessionnel va le servir. Mais son véritable destin est sans doute ailleurs. C’est un contemplatif, un spéculatif. Il aurait aimé, sans doute, être un scientifique de génie. Il lui en est resté le goût des prophéties rationnelles. »
Il n’est pas nécessaire d’avoir une connexion wifi dans le cerveau pour goûter la lucidité avec laquelle le romancier retrace des étapes que nous avons récemment vécues. Il n’est même pas nécessaire, explique-il, d’être soi-même un geek pour écrire pareil livre : « Je ne sais utiliser sérieusement aucun logiciel. J’ai cependant passé deux ans de ma vie à m’enchanter pour des choses qui m’avaient jusque-là semblé sans intérêt. La théorie de l’information fut peut-être une longue entreprise de conversion qui a fait de moi un geek. En fait, je pense, et on l’a beaucoup dit, que l’époque appartient aux geeks. L’accès libre et illimité à la connaissance a permis de généraliser un type humain, plutôt marginalisé jusque-là. Mon roman raconte précisément ce basculement – et en filigrane, le mien sans doute. »
Des pages théoriques, parfois assez absconses, brisent cependant le rythme d’un récit qu’on aimerait mieux enlevé. Ces pages-là, qu’on soit branché ou non, semblent celles d’une réflexion savante qui aurait mieux sa place dans un essai. La réplique du romancier, un bon point pour lui, se situe sur le plan de l’écriture : « J’ai absolument voulu éviter de faire quelque chose que je n’aime pas beaucoup, qui sent trop le truc : la scène où un personnage explique quelque chose à un autre personnage, et en réalité au lecteur. J’ai donc radicalisé la position inverse, en me disant : alors pourquoi ne pas inclure carrément des passages théoriques ? Dans la mesure où ils sont liés à l’intrigue, ils ressortaient malgré tout du genre romanesque, et pas du genre de l’essai. D’ailleurs, des éléments de faux, parfois indiscernables, interviennent souvent. »
Il s’est en tout cas attaqué à un massif élevé, sur lequel il parvient à nous faire grimper avec lui. La théorie de l’information est un livre plutôt réussi quoique laborieux par moments. Au point qu’on se demande si on ne salue pas l’effort plutôt que la réussite.

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