mercredi 5 novembre 2014

Le Goncourt à Lydie Salvayre

Excellente nouvelle que ce Goncourt, attribué au cinquième tour à Lydie Salvayre pour Pas pleurer, avec six voix contre quatre à Kamel Daoud pour Meursault, contre-enquête.
Lydie Salvayre nous fait rire et pleurer (parfois de rire) depuis La déclaration, son premier roman paru en 1990. Cette fois, elle annonce en titre : Pas pleurer. Et le premier paragraphe provoque une grimace ambiguë : « Au nom du Père du Fils et du Saint-Esprit, monseigneur l’évêque-archevêque de Palma désigne aux justiciers, d’une main vénérable où luit l’anneau pastoral, la poitrine des mauvais pauvres. C’est Georges Bernanos qui le dit. C’est un catholique fervent qui le dit. »
En 1936, Bernanos vit en Espagne depuis deux ans. Il est, pour le dire vite, un catholique de droite et se range, au début de la guerre, dans son camp naturel. Avant de constater l’insupportable et d’écrire Les grands cimetières sous la lune.
L’écrivain français est une des deux voix principales. L’autre est tenue par une de ces « mauvaises pauvres », la mère de l’écrivaine qui, à quinze ans, dans le village de haute Catalogne où elle vit, « le 18 juillet 1936, ouvre sa gueule pour la première fois de sa vie. »
Ce jour-là, Montse se révolte. Ce jour-là aussi, la guerre éclate. Montse ne fera pas la bonniche chez les Burgos. Tant mieux, probablement, pour eux qui auraient eu à demeure une graine de révolutionnaire peu encline à se soumettre au pouvoir de la richesse.
Tout est posé dès le début : « Dans le récit que j’entreprends, je ne veux introduire, pour l’instant, aucun personnage inventé. Ma mère est ma mère, Bernanos l’écrivain admiré des Grands Cimetières sous la lune et l’Eglise catholique l’infâme institution qu’elle fut en 36. » S’il ne faut pas pleurer, c’est en raison de la colère qui anime le roman de Lydie Salvayre. Une colère armée d’un sourire.
L’hommage fait à Montse à travers le récit qu’elle fait d’une période agitée est une tranche d’Histoire vécue de l’intérieur. Une jeune fille audacieuse lui donne chair, à plusieurs titres, car ses élans d’enthousiasme sont aussi amoureux et la voilà embarazada du Français dont elle s’est entichée. Qui pourrait être, qui est d’ailleurs devenu dans la légende familiale, André Malraux…
Pas pleurer est un roman qui vibre dans toutes ses scènes, dans toutes ses phrases. On y entre avec le sentiment d’une effraction, comme on arrive dans une maison inconnue sans savoir si on y sera le bienvenu. Et on y est tout de suite comme chez soi.

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