lundi 22 décembre 2014

San-Antonio, prince du calembour

On se demande parfois où Frédéric Dard, alias San-Antonio (du nom du héros qui a phagocyté l’auteur), allait chercher ses jeux de mots. Il en sort, certes, de pourris, de vaseux, et il était le premier à le reconnaître volontiers dans des notes adressées au lecteur comme des clins d’œil.
Un exemple, tiré du fraîchement réédité Fleur de nave vinaigrette, vous éclairera si vous n’avez pas été mis au parfum par des lectures précédentes. Il est question de Mongolie, pays dont Bérurier, fidèle acolyte du commissaire San-Antonio prétend, pour les besoins du récit, être originaire. Et l’écriture pousse-au-calembour de l’auteur lâche, comme un pet sur une toile cirée : « C’est fête au village pour le Mongol extérieur. Ce n’est pas un Mongol fier. » Voilà qui méritait bien une note : « C’est très mauvais, mais je m’inflige le bas calembour pour m’obliger à demeurer humble. C’est une bonne discipline. »
Le célèbre couple de flics français se trouve au Japon, pays vers lequel ils se sont envolés sans avoir eu le temps de s’y préparer, ce qui de toute manière n’aurait pas changé grand-chose à la proverbiale inculture de Bérurier dont on encadrera un savoureux bout de dialogue avec son supérieur hiérarchique :
« — Dis voir, San-A., le Japon, c’est bien à gauche de Madagascar ?
— A gauche en descendant de la gare, précisé-je. »
S’ils sont au Japon, c’est qu’il y a une enquête à conduire. Bien que, chemin faisant, les occasions de se dissiper ne manquent pas. On n’oubliera pas leur passage chaud-bouillant dans une école de geishas. Et la révélation de ce que signifie le nom de Bérurier, à condition de le prononcer comme l’entend la population locale, « Bé-Rhû-Rié » : en toute simplicité, Fleur de nave vinaigrette, d’où le titre dont on aurait pu, là aussi, se demander d’où il était sorti. La traduction du japonais au français est moins garantie encore que si Frédéric Dard avait connu Google Translate, dont il n’avait évidemment pas besoin pour laisser galoper son imagination langagière.
Et l’enquête ? et l’enquête ? nous demandent les amateurs de polars. Vous pensez bien qu’on s’en moque, de l’enquête, prétexte futile au regard du plaisir toujours neuf de retrouver San-Antonio et Béru dans leurs œuvres, tendance catastrophe.

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