mardi 24 février 2015

Marcher

Je ne sais ce qui frappe le plus dans cette histoire : l’homme de Detroit qui marche 33 kilomètres par jour pour aller à son travail et en revenir, ou les 160 000 dollars et des poussières qu’un étudiant a levés, comme on dit, pour simplifier la vie de James Robertson. Avec, je suppose, dans la tête des donateurs, le sentiment de faire une belle action. Ce qui n’est pas faux.

Walter Benjamin cité par Yannick Haenel en épigraphe des Renards pâles (Folio) : « Vaincre le capitalisme par la marche à pied. » Une phrase que l’écrivain – Yannick Haenel – se récitait « en souriant », début 2010, plus de trois ans avant la sortie d’un roman qui a donc longuement piétiné. Ce qui n’est pas un défaut.

Chômeur et marcheur, la rime n’est pas très riche mais elle a séduit Daniel Gachet, adjoint au maire de Luçon (France). Qui ne comprend pas pourquoi il faudrait renforcer les transports en commun en direction des bureaux de Pôle Emploi qui se trouvent en périphérie de la ville. « Les chômeurs n’ont qu’à marcher, ils n’ont que ça à faire », a-t-il dit, sans penser non plus au courage qui manque au retour après un entretien sans résultat.

Ligne 11. Dans la numérotation plutôt anarchique des lignes de transport en commun dans la capitale malgache, cette ligne n’existe pas. Pourtant, elle est, à elle seule, plus fréquentée que toutes les autres : une enquête estime à quatre sur dix le nombre de ménages qui l’empruntent, le succès global des taxis-be, comme on les appelle, étant un peu moindre. Mais alors, c’est quoi, cette ligne 11 ? La marche – la « marche à pied », précise le sondage pour qu’il n’y ait aucune confusion.


Antoine Boute, dans S’enfonçant,spéculer (Onlit Books), qu’il aurait pu intituler La possibilité d’un polar (gore), montre son personnage d’écrivain happé par une jeune femme qui l’entraîne à travers bois vers une mystérieuse demeure. Ils sont à pied, et cela dure. « La longueur de la marche les fait entrer, comme tous les marcheurs le savent, dans une transe légère. »

Marcher. Le geste est fascinant. Balzac, qui s'intéressait à tout, l'a observé de près. C'est la Théorie de la démarche, premier titre de la Bibliothèque marcheuse, collection sans frontières de la Bibliothèque malgache.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire