jeudi 12 mars 2015

Philippe Djian en roue libre

On a connu Philippe Djian plus en forme, même dans des romans aussi déprimés que Love song. Après avoir abandonné le point-virgule, il a aussi laissé tomber le point d’interrogation – à une exception près dans ce roman, mais c’est dans un titre de chanson. Il est permis de s’interroger sur la pertinence de ces choix radicaux et par ailleurs tout à fait honorables, mais qui ne semblent pas apporter quoi que ce soit à son écriture. Heureusement, celle-ci est toujours électrisée, au moins par instants, ce qui permet à un roman moyen signé Philippe Djian d’être plus intéressant que le meilleur roman de… non, pas de délation !
Love song, c’est un peu comme s’il s’agissait d’écrire un livre répondant à un certain nombre de critères de lisibilité et de narration, et peu importe comment remplir les cases. La contrainte (imaginée par le lecteur) ressemble aux pressions exercées sur Daniel par sa maison de disques. Il a connu de grands succès mais, à la cinquantaine, Daniel devrait, lui explique-t-on, prendre le virage de chansons moins sombres. Mieux formater ses compositions pour répondre à l’attente supposée du public…
Il n’a pourtant pas l’esprit à la rigolade, Daniel, depuis que Rachel l’a quitté pour un musicien sans grandes qualités. Une double peine, en somme. Et les choses ne vont pas aller en s’améliorant, vous découvrirez pourquoi après avoir cru, comme tout le monde, que la situation s’apaisait au retour de Rachel. Enceinte du musicien en question, quand même…
Daniel a des amis qui, comme font la plupart des amis avec les meilleures intentions du monde, lui donnent parfois des conseils. Ils s’ajoutent aux recommandations artistiques de sa maison de disques. Rien de tout cela n’est bon pour son moral. Il est un créateur, qu’on le laisse créer selon ses humeurs ! Et soigner les blessures – les siennes, celles des autres – à l’instinct.
L’instinct, une fois de plus, ne se révélera pas la ligne de conduite idéale. Un accident qui n’en est peut-être pas tout à fait un provoque la mort de l’homme que Daniel déteste le plus. Un enchaînement de circonstances le conduit à tuer, ou presque, son meilleur ami et, dans la foulée, le seul témoin de ce geste charitable. On a dit : « presque ». Mais l’intention est là, avec son cortège de remords par anticipation qui font des nœuds douloureux dans le ventre. Décidément, Daniel n’est pas un marrant, pas davantage dans la vie que dans ses chansons. Malheureusement pour lui, il a conscience de ne pas être Leonard Cohen. Du talent, certes, du génie, probablement pas.
Il n’est pas interdit, même dans ces conditions, d’espérer une sorte de rédemption. Allons-y donc, cahin-caha, sans ennui ni enthousiasme, sur le chemin que Philippe Djian a tracé paresseusement.

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