lundi 25 mai 2015

Paula Jacques, Haïfa - Saint-Malo

Dernier jour, déjà, du Festival Etonnants Voyageurs (essayez d'y aller voir, vous constaterez que le temps y passe à tout allure). Et rencontre avec Paula Jacques, parmi des centaines d'invités.
En dix romans, depuis Lumière de l’œil, Paula Jacques a écrit une sorte d’autobiographie de biais. Dans le plus récent, Au moins il ne pleut pas, Lola et Solly Sasson, 15 et 14 ans, débarquent à Haïfa, dans le pays encore neuf qu’est Israël en 1959. Ils ont quitté l’Egypte où leurs parents sont morts dans un accident de voiture et craignent d’être séparés après leur prise en charge par l’Agence juive. Ils ne connaissent rien du monde où ils arrivent. Mais pressentent qu’ils vont devoir mentir pour rester ensemble et compter aveuglément sur l’aide d’inconnus, au risque de tomber sur d’autres menteurs. Une vie sur le fil de la précarité, avec la volonté de s’en sortir.
Vous vous défendez souvent d’utiliser une inspiration autobiographique…
C’est situé le plus souvent dans le même univers d’immigration de Juifs d’Egypte, mais mes romans ne sont autobiographiques que sur le plan affectif. Les sentiments que j’exprime, les situations que je peux inventer découlent d’un rapport émotionnel à ces situations.
Dans cette mesure-là, Lola est quand même un peu vous ?
C’est moi par l’obsession de la lecture, par la propension à imaginer des secrets et des mystères derrière les choses et les gens les plus banals en apparence. Mais je n’ai pas été aussi empotée qu’elle peut le paraître dans le livre. Parce qu’après un certain nombre d’expériences douloureuses dans mon enfance, j’ai toujours eu un côté « survivante », j’ai su que plus jamais je ne connaîtrais ça et que j’arriverais toujours à me sortir des pires situations en ne comptant que sur moi-même. J’avais un peu le côté débrouillard et voyou du petit frère.
Votre frère Victor, à qui vous dédiez le livre, ressemblait-il à Solly ?
Je lui ai emprunté beaucoup de choses, c’était un garçon un peu délinquant, parce que ne sachant pas comment s’en sortir autrement. Jusqu’au jour où il a rencontré une Corse dont il est tombé amoureux et qui l’a remis dans le droit chemin.
Quand vous racontez les premiers temps de Lola et Solly en Israël, cherchez-vous à décrire leur côté perdu ?
Oui, et c’est exactement mon expérience. A peine étions-nous arrivés que nous avons été séparés, le grand frère, le petit frère et moi. Nous ne nous sommes pas vus pendant trois ans. Le sentiment d’être perdu et d’avoir été remis à une autorité qui décide de tout, de votre destin, je l’ai éprouvé.
Ils arrivent sur une terre où l’immigration est d’origine variée. Comment peuvent-ils comprendre ?
Lola ne vit que dans ses livres et, quand elle ne lit pas, elle invente des histoires romanesques, notamment à propos de la sexualité de Ruthie. On ne sait pas si c’est vrai, mais c’est vraisemblable. Lola, en revanche, ne voit pas que le secret le plus lourd se cache sous l’apparence rayonnante de Magda.
Vous n’expliquez pas tout…
Non, ce n’est pas utile. Ce qui est intéressant, c’est le renversement dans l’évolution psychologique des personnages. Comment Ruthie, quand Magda tombe dans la dépression, monte au créneau. La force de l’une passe dans l’autre, ce qui permettra de maintenir la famille. J’ai voulu travailler là-dessus aussi, parce que c’est aussi l’histoire universelle d’une recherche d’amour et de protection dans un monde très dur, d’une famille qui se constitue avec deux orphelins et deux femmes qui, ayant tout perdu, n’auront pas d’enfants.
Au-delà de la famille, c’est aussi un pays qui se constitue ?

Oui, il doit accueillir des groupes de cultures et de traditions différentes et, à l’époque, il n’est pas du tout expansionniste. C’est un Israël qui ne ressemble pas du tout à ce qu’il est aujourd’hui.

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