vendredi 28 août 2015

Trotsky, Lowry et Michel Deville

Patrick Deville s’est attaqué à un chantier monstrueux dont il termine un pan à chaque roman. Pura Vida, Equatoria et Kampuchéa circulent autour de la planète sur trois continents. L’Amérique, le premier d’entre eux (les autres étant l’Afrique et l’Asie), est de retour, puisque le mouvement est cyclique, dans son livre le plus récent, Viva.
Trotsky arrive au Mexique en 1937, il fait en train le chemin de Tampico, son port de débarquement, à Mexico. Pas n’importe quel train : celui du président. Pas en n’importe quelle compagnie : Frida Kahlo, dont les « sourcils très noirs se rejoignent à la racine du nez comme les ailes d’un merle », est là pour l’accompagner dans son voyage. Diego Rivera est absent, mais il a joué un rôle dans l’accueil de Trotsky.
Malcolm Lowry est au Mexique depuis l’année précédente. Il rédige une nouvelle qui deviendra Au-dessous du volcan, chef-d’œuvre obtenu à force d’écrire ses échecs, « et lorsque lui manqueront les échecs veillera à échouer encore, à échouer encore mieux », écrit Patrick Deville qui rend un hommage discret à Samuel Beckett.
La méthode Deville consiste moins à créer des nœuds dans le réel qu’à mettre en lumière ceux qui existaient déjà. Retrouver les traces croisées de Trotsky et de Lowry, donc, avec leurs proches, y ajouter André Breton, Antonin Artaud, B. Traven, Arthur Cravan, d’autres encore, et reconstituer à petites touches, avec force détails, l’effervescence d’un lieu à une époque donnée. Superposer à tout cela ses propres voyages pour relier, à travers son regard, le passé au présent. Construire, au fond, une œuvre à la fois très documentée et très littéraire, à la façon d’un puzzle dont chaque pièce ne prend son sens qu’en compagnie des autres.
Le risque consisterait à laisser fonctionner la méthode pour elle-même, sans nécessité. Mais on n’en est pas là.

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