jeudi 15 octobre 2015

14-18, Albert Londres s'inquiète pour la Serbie



Au secours de la Serbie

(De notre envoyé spécial.)
Nisch, 11 octobre.
(Arrivée le 13 octobre à Paris.)

La Serbie est peut-être sur le point de subir le sort de la Belgique ; elle appelle au secours !
Les premières troupes franco-anglaises qui devaient lui arriver sont à Salonique. Elles y sont depuis six jours et ce n’est pas à cause de complications diplomatiques qu’elles y restent, bien que Salonique soit à la Grèce et que la reine Sophie règne sur ce pays.
Tandis que les troupes alliées sont à Salonique, le frère de la reine Sophie fait passer le plus de soldats possible sur le Danube. L’angoisse est grande ici.

Les points d’attaque

Le 6 octobre, les Allemands ont attaqué sur tout le front de la Save et du Danube, leurs obus ont pris Belgrade rue par rue, quartier par quartier.
Ce n’est pas le seul point d’attaque ; les Allemands forcent à Ram et Dobravsiat. Ils cherchent de ce côté la clef de la vallée de la Morava qui les conduirait à Nisch. Les routes de Hongrie sont grouillantes de régiments et de convois ; nos aviateurs signalent des armées en marche. L’effort que tentent nos ennemis n’est pas une simple diversion ; un nouveau front vient de se créer, un nouveau péril vient de surgir.
Les Allemands ne vont pas seulement essayer de traverser le département de Négotine, pour rejoindre la Bulgarie et de là Constantinople. Ils savent que cette manœuvre serait dangereuse parce qu’ils auraient les Serbes sur leur flanc et leur arrière. Il leur faut de grands terrains pour se développer. Leur plan est plus haut que de traverser la Serbie, il comporte la conquête du pays. Il y a trois mois qu’on le savait, on ne l’a peut-être pas su suffisamment.

250 000 braves

Les Serbes sont 250 000 ; le tambour bat aujourd’hui dans les rues du royaume pour appeler la classe de dix-neuf ans. Ils sont prêts à mourir comme aux plus beaux jours de leur héroïsme.
Ils ont prévu l’agression depuis quatre ans ; ils l’ont prouvé avant-hier.
Le général, devant le nombre et les moyens des ennemis, avait permis à ceux de Belgrade de se retirer, ils sont restés sur l’asphalte, et c’est de l’eau rouge que les pentes de la capitale amènent maintenant aux égouts.
Ils tiendront jusqu’aux derniers, mais le dernier peut tomber. Ce serait la Russie coupée de l’Europe ; Guillaume au bras du Sultan entrant à Constantinople ; l’Allemagne maîtresse des Balkans ; c’est pourquoi la Serbie, pour elle et ses alliés, appelle au secours.
Les secours ne seront efficaces que s’ils débouchent pendant que les Serbes défendent encore le front du Nord.
Si, comme tout le prouve, Mackensen y met le prix, il n’aura besoin que de dix jours pour franchir le département de Négotine. Il ne lui en faudra pas trente pour atteindre Nisch. La Serbie est grande par ses faits, petite par ses terres. Au secours !

Le plan bulgare

C’est sur le front nord qu’est l’angoisse présente, elle peut être demain soir sur le front est. La Bulgarie, si elle n’y est pas forcée, ne bougera pas immédiatement ; elle a son plan aussi : faire la campagne comme la Roumanie en 1913 en ne perdant qu’un cheval lui irait très bien. Elle attendra, si le Kaiser le lui permet, mais le Kaiser ne semble pas d’humeur de le lui permettre, que l’Allemagne ait devant elle sa rivale, pour descendre en promenade et occuper la Macédoine, car pour la Bulgarie le reste du monde n’existe pas ; il n’y a que la Macédoine.
Les Français ont promis des hommes, les Anglais ont promis des hommes, les Russes ont des hommes. Quand les donneront-ils ? c’est tout de suite qu’il les faut, sinon le vieux roi Pierre, pris entre deux feux, pour ne pas voir la fin de son pays, se levant une fois de plus sur ses cannes, n’aura plus qu’à partir mourir avec les siens.


La Bibliothèque malgache édite une collection numérique "Bibliothèque 1914-1918". Au catalogue, pour l'instant, les 9 premiers volumes (d'une série de 17) du Journal d'un bourgeois de Paris pendant la guerre de 1914, par Georges Ohnet (1,99 € le volume). Une présentation, à lire ici.
Et le récit, par Isabelle Rimbaud, des deux premiers mois de la Grande Guerre comme elle les a vécus, Dans les remous de la bataille.

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