lundi 26 septembre 2016

David Foenkinos et le rire du perdant

David Foenkinos a le goût des personnages posés à côté d’eux-mêmes, passant leur temps à s’observer tout en guettant les réactions de leur entourage. Parfois, il donne l’impression de tourner à vide, dans une tentative un peu vaine de construire un roman qui s’effiloche au fur et à mesure de la lecture. Mais il arrive au contraire que les ingrédients se lient pour faire une sauce très correcte. C’est le cas dans La tête de l’emploi où Bernard a des arguments, et surtout des contre-arguments, pour nous retenir.
Car Bernard est un champion de l’échec et l’échec est drôle quand il est porté à la perfection. La fée qui s’est penchée sur le berceau du héros, un demi-siècle plus tôt, devait être une sorcière pour glisser ce prénom à l’oreille des parents : « je ne trouve pas que ce soit un prénom gagnant. Dans cette identité qui est la mienne, j’ai toujours ressenti le compte à rebours de l’échec. »
Depuis, les années ont passé, souvent en silence car on se déplace en patins chez les parents de Bernard. La parole semble réservée à Nathalie, l’épouse de Bernard, psychologue et toujours prête à utiliser son conjoint comme cobaye. Comme il a tendance à voir tout en noir, l’exercice est excellent. Pour elle. A propos de mauvais pressentiment, voire d’angoisse, Alice, leur fille, joue son rôle. Elle a vingt ans et vient de quitter la maison familiale pour le Brésil, où Bernard l’imagine déjà s’amourachant d’un joueur de bossa nova…
Evidemment, au travail, ça ne va pas beaucoup mieux. La banque où Bernard est conseiller financier subit le contrecoup de la crise économique mondiale, il faut se séparer de quelques collaborateurs. Pas Bernard, non : il a la tête de l’emploi, quelque chose de rassurant qui pousse le directeur à le placer de plus en plus à la caisse, au contact direct de la clientèle. Celle-ci, du coup, en mesurant l’étendue de la rétrogradation qu’il a subie, perd confiance. Et Bernard, son emploi. Puis son épouse. Il va falloir rebondir. Personne ne l’aide, bien sûr. Sauf ses parents. Mais il y a encore quelque chose de tordu dans cette histoire.
Avouons-le : on a ri. Et conclu que David Foenkinos est toujours meilleur quand il écrit sans prétention.

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