samedi 10 juin 2017

La jouissance dans le crime

L’an dernier, la romancière L.S. Hilton a fait l’objet d’un spectaculaire lancement dans plusieurs pays, en commençant par la Grande-Bretagne. La rumeur gonflait depuis 2015.
L.S. Hilton, jusqu’alors connue d’un cercle limité de lecteurs, pour des biographies ou des romans historiques, a été la première surprise de ce qui se passe autour d’un texte mal parti : « Mon agent l’a détesté. Mon éditeur a refusé de le lire. J’avais un livre que je ne pouvais même pas donner. » Et puis, comme dans un conte de fée, une amie a fait lire le manuscrit à un éditeur, qui s’est emballé, le reste a suivi. Le savoureux récit de L.S. Hilton montre à quel point elle n’imaginait pas avoir écrit un probable futur best-seller :
« Comme de nombreux auteurs, je n’avais toujours pas l’impression de pouvoir compter uniquement sur mes livres pour assurer ma sécurité financière. Je faisais des missions en freelance, et m’étais portée candidate pour des ateliers d’écriture dans une université londonienne. Le jour où j’ai reçu une lettre me disant que je n’étais même pas assez bonne pour qu’on me fasse passer un entretien, je faisais des recherches sur l’utilisation des céréales Weetabix par le Prince Charles comme répulsif à limaces. C’est alors que mon éditeur m’a appelé pour me dire que mon roman venait de se vendre aux Etats-Unis. « Formidable », lui ai-je répondu tout en tapant mon article sur les limaces. Six semaines plus tard, mon éditeur et moi étions dans l’avion, direction Hollywood. »
Maestra s’ouvre par un prologue qui sera, plus loin, fortement amplifié : une partouze chic dans un haut lieu du dévergondage parisien. Avant de retrouver cet endroit et les protagonistes qui s’y ébattent, Judith Rashleigh, l’héroïne, travaille à son épanouissement personnel. Le sexe, qu’elle apprécie en connaisseuse, en est un aspect. Qui lui ouvrira les portes d’un monde où l’argent coule à flot. Mais Judith est surtout, à la manière de L.S. Hilton qui a étudié l’histoire de l’art, une experte. Sous-utilisée chez British Pictures, elle y découvre une escroquerie caractérisée.
Judith en profite d’autant plus aisément pour prendre ses distances avec son employeur que ses activités ludiques et lubriques lui assurent des revenus substantiels. La libertine est ambitieuse, rien ne l’arrête sur le chemin de la réussite, pas même les cadavres qu’elle sème derrière elle. On a essayé de la manipuler, la voici devenue manipulatrice. L’Europe est son royaume, les acheteurs de tableaux à peine certifiés croient trouver une partenaire mais celle-ci est plus retorse qu’eux.
Il y a de la jouissance dans le crime, comme l’exige un thriller conduit par une coupable qu’on ne parvient pas à détester. Les hommes n’ont qu’à bien se tenir. On sort du premier volume le cœur léger, comme Judith, en attendant la suite. Qui, cela tombe bien, vient de paraître en grand format. Et s’intitule Domina. On en reparlera (peut-être).

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