samedi 13 janvier 2018

Françoise Dorin, oui, bon...

Donc, Françoise Dorin, qui vient de mourir à 89 ans, avait écrit des chansons, des pièces de théâtre, avait été comédienne. Ah! elle avait publié des romans, aussi. Avec succès. Je n'ai jamais vraiment compris d'où venaient lectrices et lecteurs de Françoise Dorin. D'un autre monde que le mien, probablement. Et, pourtant, si, si, j'avais essayé de comprendre. Au moins jusqu'à il y a vingt ans, quand j'y ai finalement renoncé...

La Mouflette (1994)
Les grands-mères ne sont plus ce qu’elles étaient. Françoise Dorin a découvert cela quand elle a accueilli son petit-fils de six mois pendant un mois. Et elle a eu envie d’écrire un livre qui est devenu La Mouflette. Une grand-mère amoureuse, et qui ignore d’ailleurs qu’elle a une petite-fille, reçoit celle-ci presque par hasard, et le hasard ne lui laisse pas vraiment le choix : il faut bien qu’elle s’en occupe. Mais que devient sa vie amoureuse avec un homme épris de liberté ? Voilà la question, et la réponse tient en trois cents pages, parfois longuettes, mais qui se veulent toujours drôles.
Ce qui irrite le plus ici, c’est la manie qu’a la mamie de parler toute seule. Ou, plutôt, de tenir à Ophélie, le bébé braillard, de longs discours sur sa vie. Françoise Dorin nous assure qu’elle faisait la même chose : « Je lui racontais n’importe quelle bêtise et, de temps en temps, il avait de ces expressions… Comme s’il avait tout compris, ce qui était bien entendu impossible. » L’observation de faits réels ne se transpose cependant pas aisément dans un roman, car la grand-mère de La Mouflette a une fâcheuse tendance à prendre ces conversations au sérieux, trop pour qu’on les trouve naturelles. Mais enfin, il paraît que ça plaît, que le bouche-à-oreille autour de ce livre est bon, et même qu’il se vend. Allez donc comprendre…
D’un fait de société, la dramaturge et romancière fait un récit ficelé de manière certes très professionnelle, avec les rebondissements de la vie quotidienne, les aventures minuscules qui prennent, pour un bébé et celle qui en a la charge, des proportions énormes. La charge d’Ophélie paraît être un véritable travail à temps plein, comme le fut pour Françoise Dorin le séjour de son petit-fils. « J’ai perdu cinq kilos, mais j’ai gagné un livre », dit-elle avec une certaine fierté. D’accord, mais qu’y avons-nous gagné, nous ?
Même le beau Barth, le tombeur de ces dames, décidé à se ranger auprès de la jeune grand-mère, paraît irréel. Et pourtant ! Françoise Dorin connaît tout de sa vie, elle peut raconter des détails sur la manière dont il a été conçu par sa mère, une industrielle belge qui passa ensuite une petite annonce pour trouver un père convenable à son fils, lors d’une folle nuit d’amour en Martinique…
Voici un auteur qu’on a du plaisir à entendre raconter les histoires annexes de son roman, celles précisément qui ne s’y trouvent pas. Le pauvre lecteur, malheureusement, n’a droit qu’au reste : une démonstration qui se veut légère mais qui reste sur l’estomac.

Les vendanges tardives (1997)
Françoise Dorin plonge dans son temps. Une fois de plus. Une fois de plus, elle s’y noie, à force de vouloir insuffler à son roman une dose de sociologie à bon marché. Il paraît que ses lecteurs aiment ça. Il ne nous viendrait pas à l’idée de les en blâmer. Après tout, il vaut quand même mieux lire ses livres que de s’abrutir devant des sitcoms.
Voici donc la Châtain, la Brune et la Rouquine, 3 copines de 40 ans – du temps où elles avaient 20 ans, ce qui veut dire qu’elles ont maintenant, au moment où se déroule le roman, l’âge de la retraite…
« C’est une époque formidable à observer », dit Françoise Dorin. « Je suis entourée de mes contemporaines concernées par la retraite, alors que, toute ma vie, je n’ai eu que des femmes actives autour de moi. Et je constate ceci : à la retraite, dans un premier temps, on est content. Puis on commence à s’ennuyer. La leçon que j’en tire est celle-ci : il vaut mieux avoir des ennuis que de tomber dans l’ennui… »
Donc, les trois amies – peut-être faut-il dire ex-amies, parce que la vie les a, d’une certaine manière, séparées – ont choisi des chemins divergents. Elles jettent chacune, sur le parcours de l’autre, des regards mi-critiques mi-complaisants à travers lesquels elles aimeraient retrouver la complicité d’autrefois, ce qui donne lieu à une compétition d’un nouveau genre… Françoise Dorin se veut totalement de son époque, la nôtre : « La société d’aujourd’hui est passionnante, et il faut en faire partie pour la comprendre. » Mais la compréhension n’implique pas l’absence d’avis personnel : « Je suis une grande moraliste. »
Toujours de bonne humeur, cherchant à mettre en évidence les côtés positifs, Françoise Dorin veut voir la vie en rose. Il faut qu’on s’amuse ! Son côté Gentille Animatrice a tout pour irriter, forcément. D’autant que, mine de rien, elle lance quand même quelques flèches empoisonnées vers une part de l’humanité qui lui paraît moins reluisante. On rit jaune, à ces moments, en se demandant quelles intentions se masquent derrière…
Curieux, n’est-ce pas, comme la bonne humeur forcée (c’est une interprétation, bien sûr) de Françoise Dorin peut provoquer la mauvaise humeur ! Les vendanges tardives, on les fera sans nous, malgré un titre qui renvoie à des crus très intéressants.

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